Presque inconnu en Europe jusqu’à il y a encore quelques jours, Javier Milei est arrivé en tête des primaires de la présidentielle en Argentine avec 30% des voix. Surnommé el loco, le fou, son projet politique ultralibéral en économie et ultraconservateur sur les questions de société est une menace pour l’éducation publique mais aussi bien au-delà.

Favorable au port d’armes et à la vente d’organes

Tout comme Trump, Bolsonaro ou Zemmour avant lui, Javier Milei est apparu dans un premier temps comme un candidat fantasque. Sa coiffure ébouriffée, sa vulgarité, ses prises de position antisystèmes, sa relation fusionnelle avec ses chiens, ont fait de lui une coqueluche médiatique dont les multiples dérapages créent le buzz.

Sa candidature à la présidence de la République d’Argentine a pu faire sourire dans un premier temps, après tout, qui prendrait au sérieux quelqu’un qui dit parler à Dieu (qu’il appelle « el número uno« ) par l’intermédiaire de son chien décédé et d’un médium canin ? Cependant, comme dans les exemples précédents, la créature s’est échappée et menace aujourd’hui d’entrer dans la Casa Rosada, le siège du pouvoir présidentiel argentin.

Javier Milei est défini par David Copello, chercheur en science politique, comme un paleolibertarien, un libertarien très libéral sur les questions économiques et très conservateur sur les questions sociétales. Profondément machiste, « il ne s’excusera pas d’avoir un pénis », il souhaite interdire l’avortement (autorisé depuis 2020) mais légaliser la vente et le port d’armes ainsi que permettre la vente libre d’organes humains.

Le paroxysme du libéralisme économique

Pour Milei, « l’État n’est pas la solution mais le problème ». Toutes ses prises de position passent par le prisme d’une dépense publique qu’il faut éliminer, quitte à renoncer à toute forme d’empathie. Il s’est par exemple opposé à la détection de la cardiopathie congénitale, plus grande cause de mortalité néonatale dans le pays, au motif qu’elle représente un coût pour les finances publiques.

Il veut en finir avec ce qu’il appelle « l’aberration de la justice sociale » et « l’atrocité qui dit que là où il y a un besoin, il y a un droit car on oublie que ce droit, quelqu’un doit le payer ». En d’autres termes, il appelle de ses vœux une société du chacun pour soi, où chaque individu, livré à son propre sort « en aurait pour ses impôts »…

La mise en place de ce projet passe par ce qu’il nomme un « plan tronçonneuse » contre les services publics.

Vidéo de campagne où Milei montre les ministères qu’il souhaite éliminer. (TikTok @javiermileii)

Dans une vidéo de campagne publiée sur TikTok, il montre les Ministères qui sont à ses yeux superflus et qu’il souhaite éliminer. En cas d’arrivée au pouvoir, ce sont l’éducation, la recherche, la santé et les transports qui sont menacées de privatisation. Les Ministères du tourisme et du sport, de la culture, de l’environnement et du développement durable, des droits des femmes (un « Ministère des privilèges » selon lui), des travaux publics, de la sécurité sociale et du développement social sont eux menacés de disparition pure et simple.

Dans la conception rabougrie de l’État selon Milei, ne doivent substituer que les Ministères des Affaires Étrangères, du « capital humain », des infrastructures, de l’économie. De même, il ne touche pas aux Ministères de la justice, de la sécurité, de la défense et de l’Intérieur. Avec la moitié du gouvernement uniquement dédié aux questions sécuritaires, c’est un État policier qui se dessine sous nos yeux.

Antisyndical, antiprofesseur et antisocial

Dans son discours populiste, Javier Milei place dans sa ligne de mire ce qu’il désigne comme « la caste parasite, voleuse et inutile ». Un ensemble aux contours incertains où il réunit tous ses adversaires, parmi lesquels les syndicats, dont il veut réduire le champ d’action en limitant l’exercice du droit de grève et les ressources.

Comme de nombreux politiques d’extrême-droite, il voit les professeurs comme les responsables d’un supposé « endoctrinement ». Symbole de sa lutte contre ce qu’il appelle le « marxisme culturel », il souhaite éliminer des écoles l’éducation sexuelle et la sensibilisation aux questions LGTBI. Il souhaite aussi s’attaquer au statut de nos collègues pour les mettre en concurrence, favoriser les licenciements, qu’ils soient justifiés ou non, et permettre la rémunération à la « performance »

Enfin, pour lui, le collège n’a pas vocation à être obligatoire et gratuit. C’est pourquoi, il souhaite développer en Argentine le système des chèque-éducation (school voucher, en anglais) où chaque famille reçoit une subvention à remettre à l’établissement de son choix. Ce système, déjà expérimenté dans divers pays comme la Belgique, la Suède et le Chili, contribue à renforcer les inégalités scolaires et la ségrégation scolaire.

Le SNES-FSU et la CTERA

Le projet de Javier Milei peut être vu comme l’expression d’une forme de « dégagisme » mais, s’il venait à être appliqué, serait un grand pas en arrière en matière d’éducation mais aussi bien au-delà.

Le SNES-FSU apporte son soutien à la Confederación de Trabajadores de la Educación de la República Argentina (Conféderation des Travailleurs de l’Éducationde la République d’Argentine). Nos deux organisations entretiennent des relations étroites et partagent un syndicalisme de lutte et de transformation sociale. L’année dernière, nous avions rencontré leurs dirigeants et échangé sur les systèmes de formation des professeurs.

Le regard vers le scrutin d’octobre

Dans le système politique argentin, les primaires du 13 août constituent un pré-premier tour visant à sélectionner les candidats qui seront en lice pour l’élection. Des vingt-deux candidats initiaux, cinq d’entre eux ont réussi à passer ce premier filtre, Milei avec ses 30% est en bonne position pour, au moins, accéder au second tour. Face à lui, Sergio Massa, 21,41% des voix et actuel ministre de l’économie représentera la coalition de centre-gauche tandis que Patricia Bullrich, 17% des voix et et proche de Macri incarnera la ligne dure de la droite.

Actuellement dans une situation économique difficile, il reste un peu plus de deux mois aux Argentins pour décider dans quelle direction ils souhaitent emmener leur pays.

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