Une alternative au macronisme dans la relation inflation-salaire

La situation économique en Argentine est préoccupante avec une inflation de presque 100 %. Néanmoins, il faut souligner la volonté politique du gouvernement qui fait le choix de se placer du côté des travailleurs. La CTERA a obtenu une hausse de salaire de 5 % au dessus de l’inflation soit une hausse de salaire de 95% ou 105 % en fonction des chiffres finaux de l’inflation.

Une position qui déplaît au patronat et aux libéraux qui s’opposent aux hausses de salaires qui, selon eux, alimenterait un phénomène «boucle inflation-salaire». Cette théorie, dont Emmanuel Macron est partisan, est réfutée par certains économistes. C’est le cas par exemple de Jonathan Marie des économistes atterrés pour qui rien ne justifie l’absence d’indexation des salaires. En effet, selon lui, l’indexation est par définition rétroactive, elle a lieu une fois l’inflation constatée. La spirale ne s’enclenche donc que si les entreprises augmentent de nouveau les prix. Un phénomène que les Argentins ont expérimenté car les augmentations de prix sont souvent spéculatives et préventives, certains prix ont ainsi augmenté de 10 % dès les premiers jours de la guerre. Du côté des solutions, un contrôle des prix ou une taxation des sur-profits peuvent freiner cette augmentation des prix.

La CTERA regrette que le gouvernement argentin se soit arrêté au milieu du gué. Offensif sur les augmentations de salaire, il n’a pas encore acté les mesures de contrôle des prix susceptibles d’enrayer la hausse des prix. L’exemple argentin nous montre que le refus d’Emmanuel Macron d’indexer les salaires est le résultat d’un choix idéologique, celui de faire payer l’inflation par les travailleurs plutôt que par le capital. Une décision injuste qui pousse les consommateurs en perte de pouvoir d’achat vers des produits bons marchés souvent peu respectueux de l’environnement.

La CTERA, un syndicat de lutte

La CTERA avait mené la lutte contre le gouvernement du libéral-conservateur Mauricio Macri qui avait éliminé le paritarisme et relégué les ministères du travail et de la santé aux rangs de secrétariats d’États. L’éducation devait subir le même sort mais la CTERA a réussi à stopper ce projet néfaste. La défaite de Macri lors des élections de 2019 a permis l’amélioration du dialogue social. Cependant, ce dernier, n’exclut pas de se représenter fin 2023 et annonce ans son dernier livre ¿Para qué ? (Planeta, 2022) qu’en cas de retour aux affaires il mènerait « la plus grande réforme éducative qu’a connu l’Argentine » et qu’il mettrait un terme à « l’extorsion syndicale ». Il annonce l’affrontement de la communauté scolaire en opposant les parents aux « professionnels de la grève ». Si tel devait être le cas, aucun doute que la CTERA se dressera à nouveau sur son chemin.

Un système décentralisé aux conséquences parfois dramatiques

En Argentine, le système éducatif est décentralisé, il est géré au niveau des 23 provinces qui constituent le pays et à la tête desquelles on trouve un gouverneur. Ce sont ces provinces qui décident non seulement de l’entretien des écoles mais aussi d’une partie de la rémunération des professeurs. La CTERA a réussi à obtenir une paye plancher pour ces derniers. Cependant, ce système décentralisé engendre d’importantes inégalités en fonction de la richesse des provinces mais aussi du bon vouloir politique du gouverneur en place.

Or, l’entretien des infrastructures scolaires est loin d’être anodin dans ce pays. Si l’approvisionnement énergétique n’est pas un problème en Argentine car le pays est un producteur de pétrole, le manque d’entretien des écoles est en revanche un vrai problème aux conséquences tragiques. Récemment, des explosions de gaz, la chute de toits ou la présence d’éléments toxiques dans les matériaux de constructions ont coûté la vie à des collègues. Dans une version latinoaméricaine du « pas de vagues », les administrations tentent d’atténuer ou de dissimuler leur responsabilité dans ces drames.

L’entrisme des entreprise privées dans l’éducation

Le lien entre les entreprises et les lycées professionnels argentins est à souligner. Des entreprises ont décidé de mettre de l’argent dans des établissements scolaires et sont déterminées à obtenir un retour sur investissement en utilisant les élèves comme une main d’œuvre bon marché. Le secteur de l’hôtellerie-restauration à récemment été au cœur d’un scandale. Plusieurs employeurs , dont des établissements renommés, cantonnaient les élèves aux tâches les plus ingrates et sans objectifs pédagogiques (vaisselle, nettoyage des toilettes) et le tout sans les rémunérer.

SNES-FSU et CTERA main dans la main pour une éducation publique de qualité

Le SNES-FSU et la CTERA partagent la même vision d’un syndicalisme de lutte et de transformation sociale pour obtenir une éducation publique de qualité. Comme le rappelle Marta Scarpato, c’est en ayant les idées claires que l’on peut arriver fort à une table de négociations. Le syndicalisme doit avoir une vision politique, savoir dans quelle direction il souhaite accompagner le pays. Le SNES-FSU et la CTERA se rejoignent dans leur opposition aux conséquences d’une mondialisation débridée sur l’écologie et les conditions de travail. Ensemble, nous dénonçons par exemple le traité UE-Mercosur qui ne bénéficie pas aux travailleurs.

Déterminée dans son combat contre l’extrême droite, la CTERA va organiser du 20 au 24 mars 2023 un forum des droits humains qui pourrait aboutir à la constitution d’un réseau syndical antifasciste et pour un travail digne auquel le SNES-FSU pourrait s’associer. La date choisie est très symbolique, il faut rappeler qu’en Argentine le 24 mars, date du coup d’État de 1976, est devenu en 2002 la journée nationale de la mémoire pour la vérité et la justice qui rend hommage aux victimes de la dictature militaire.

Enfin, la CTERA a sollicité le SNES-FSU pour l’aider à contrer la réforme de la formation des enseignant·e·s qui est à l’œuvre en Argentine. Dans un pays dont la superficie est cinq fois celle de la France, le projet est de diminuer fortement le nombre d’écoles de formation. Pour justifier ces coupes, l’administration oppose massification et qualité de la formation tout en s’appuyant sur l’exemple…français. Le secteur international a récemment remis un rapport à la CTERA pour débusquer les contres-vérités sur notre « modèle » de formation.

Sources :

  • GULMAN Agustín, « Las amenazas de Macri para su segundo tiempo: privatización de Aerolíneas y ataque a sindicatos y empresarios», 24 octobre 2022, Página 12, https://www.pagina12.com.ar/492061-las-amenazas-de-macri-para-su-segundo-tiempo- privatizacion-d
  • MARIE Jonathan, « Rien ne justifie l’absence d’indexation des salaires », 24 octobre 2022,https://www.atterres.org/rien-ne-justifie-labsence-dindexation-des-salaires/.
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