
L’édition 2025 de la Journée internationale de l’éducation résonne comme une mise en garde. La pénurie mondiale d’enseignant·es s’aggrave et prive des millions d’enfants, et particulièrement les filles, d’un droit humain fondamental : le droit à l’éducation.
44 millions
C’est le nombre d’enseignant·es qu’il manque à l’échelle mondiale dans l’éducation primaire et secondaire pour atteindre l’ambition fixée par l’Objectif de Développement Durable n°4 de l’ONU « Assurer l’accès de toutes et tous à une éducation de qualité ». Cette pénurie participe à la privatisation et la marchandisation de l’éducation qui prive l’école publique de précieuses ressources et exacerbe les inégalités au détriment de celles et ceux qui sont les plus fragiles.

Rapport 2024 sur la profession enseignante
A l’occasion de cette Journée internationale de l’éducation, l’Internationale de l’Éducation (IE) publie son rapport 2024 sur la profession enseignante. Rédigé par le Dr. Ben Arnold et le Dr. Mark Rahimi, c’est la 4e rapport de ce type après ceux de 2015, 2018 et 2021. Cet état des lieux de la profession enseignante s’appuie sur des données fournies par 200 syndicats membres de l’IE issus de 120 pays. Il dresse le tableau d’une profession sous-payée, surmenée et à l’expertise professionnelle méprisée. Comment, dans ces conditions, s’étonner des difficultés à recruter et à retenir les enseignant·es en place ?
Le rapport montre notamment que les populations les plus fragiles et les pays les plus pauvres sont plus durement touchées par la pénurie d’enseignant·es. C’est particulièrement le cas sur le continent africain et en Asie-Pacifique. Les pays développés ne sont cependant pas épargnés. La pénurie est par exemple vive en Amérique du Nord. Les déficits sont particulièrement marqués dans l’éducation spécialisée, dans les disciplines scientifiques, des technologies et des mathématiques.
La France ne fait pas non plus exception. Les dernières rentrées scolaires ont mis en lumière la pénurie d’enseignant·es, une pénurie organisée par les décisions du Ministère de l’Éducation Nationale.
Une profession essorée

Les raisons de la pénurie sont clairement identifiées. La première d’entre elle est salariale. Dans de très nombreux pays, à niveau de qualification équivalent, les enseignant·es gagnent moins que d’autres professions. A cela, il faut ajouter la dégradation des conditions de travail : la faible progression de carrière, les classes surchargées, l’accumulation de tâches administratives. Le rapport met également en avant la dégradation de la santé mentale des enseignant·es. L’exigence émotionnelle de nos professions est trop souvent sous-estimée par la population et les décideurs politiques : le stress, l’énergie requise par des classes surchargées, l’épuisement professionnel et le manque de soutien des hiérarchies provoquent des environnements de travail peu favorables et attractifs.
Enfin, malgré le rôle vital des enseignant·es pour l’avenir des sociétés, les syndicats pointent que l’expertise professionnelle des enseignant·es est régulièrement niée. Ces derniers mettent en lumière l’exclusion fréquente des collègues et de leurs représentant·es des processus décisionnels. Dans les cas les plus extrêmes, ce sont des droits fondamentaux comme la liberté d’expression et la capacité de s’organiser sont attaqués.

Ce sont toutes ces raisons qui mises bout à bout détournent les étudiant·es des métiers de l’éducation et poussent de plus en plus celles et ceux en place à quitter leur poste. Aux Philippines on compte par exemple 30 000 démissions entre 2022 et 2023.
Des solutions existent

Si les raisons de la pénurie sont connues, les solutions le sont aussi. Début 2024, le Groupe de haut niveau sur la profession enseignante convoqué par le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a publié un rapport comportant 59 recommandations. Ce document, qui recoupe largement les revendications du SNES-FSU, est une feuille de route adressée aux gouvernements pour résoudre la pénurie d’enseignant·es.
Certains pays d’Asie de l’Est et d’Europe du Nord mettent en place ces recommandations. Les enseignants y sont perçus comme des « bâtisseurs de la nation », et ces pays investissent de manière conséquente dans leur rémunération, dans leur développement professionnel et dans leurs conditions de travail. Et les résultats sont là : le taux de rétention y est plus élevé et les résultats scolaires sont meilleurs. Preuve qu’avec de la volonté politique et en valorisant les enseignant·es, il est possible de faire évoluer positivement les systèmes scolaires. Si les gouvernements refusent d’appliquer les recommandations, les syndicats de l’éducation doivent les pousser à le faire.

Investir massivement et rapidement
Oui, lutter contre la pénurie mondiale d’enseignant·es est un défi colossal qui ne peut se résoudre par des demies-mesures. Les besoins sont énormes, ils sont le résultat de décennies de sous-investissements dans les services publics d’éducation. Aujourd’hui, loin des politiques d’austérité qui sont proposées, les systèmes publics d’éducation à travers le monde ont besoin d’un plan d’urgence et d’investissements massifs. C’est le sens de campagne #EnsembleOnFaitEnsemble déployée depuis deux ans par l’Internationale de l’Éducation.
Ce sont ces investissements qui vont permettre d’offrir aux enseignant·es des salaires revalorisés et compétitifs avec ceux d’autres professions de même niveau de qualification. Ce sont eux également qui vont permettre de réduire les effectifs dans les classes, de mieux prendre en compte la diversité et l’inclusion, de rénover le bâti scolaire et de l’adapter au changement climatique. Enfin, aucune réforme ne sera possible sans les enseignant·es et leurs représentant·es. Il est temps de respecter et de prendre en compte l’expertise des enseignant·es dans l’élaboration des politiques éducatives.
Place à l’action !
Le SNES-FSU prendra sa part dans ce combat mondial en faveur de l’école publique. Il poursuivra son travail de mise en lumière de la concurrence faussée avec le privé et popularisera auprès des collègues ses mandats « en pour » afin de faire connaître son projet éducatif pour le second degré et ses revendications pour la revalorisation des métiers et des carrières. Le SNES-FSU mettra en place un plan d’action permettant la réussite d’une mobilisation de masse pour les salaires, les carrières, les conditions de travail et la défense de l’École publique.
Vous trouverez ici des informations sur les actions de coopération avec les syndicats d’autres pays, les analyses et réflexions du SNES-FSU sur l’actualité internationale, des comptes-rendu d’instances internationales dans lesquelles siège le SNES-FSU. Des remarques, des questions ?
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