Un pouvoir fragilisé qui se durcit

La justice jordanienne est inféodée au pouvoir royal qui, s’il est souvent présenté comme modéré dans le monde arabe, montre ici son vrai visage : la contestation des années 2011- 2013 a fortement déstabilisé le régime mais l’a aussi conforté dans ses positionnements anti-démocratiques et hostiles aux syndicats. Si à la suite du printemps arabe, des espaces démocratiques s’étaient timidement ouverts, avec la création de syndicats et de médias qui osaient critiquer le régime, les dernières années ont vu un retour vers un pouvoir autoritaire au profit du roi Abdallah II. Les arrestations arbitraires, non suivies de procès, se sont multipliées.

La situation économique s’est considérablement dégradée, si bien que le pays ne vit quasiment plus que des aides internationales diverses destinées principalement à soutenir l’accueil des millions de réfugiés issus des conflits régionaux : Palestiniens, Irakiens, Syriens. Aujourd’hui plus de 16 % des Jordaniens vivent en-dessous du seuil de pauvreté et le taux de chômage est très élevé. Le soutien américain et européen au régime est facilité par l’habileté de la maison royale à agiter l’épouvantail des Frères musulmans, principal mouvement d’opposition.

Dernièrement, le pouvoir royal a été ébranlé par les révélations des Pandora papers (au sujet de 14 propriétés fastueuses à l’étranger acquises par des sociétés écrans basées aux îles Vierges) mais la presse aux ordres ne les a pas évoquées. Ces révélations tombent au plus mal, à un moment où le pays subit durement les répercussions économiques de la pandémie avec l’interruption des flux touristiques. Ce à quoi il convient d’ajouter des tensions politiques avec la rupture entre le roi et son demi-frère le prince Hamza qui, en avril 2021, a été mis en résidence surveillée après avoir critiqué la corruption du régime.

La négation du droit syndical

Suite à l’interdiction de la JTA, les 14 membres de son conseil d’administration ont été arrêtés et 65 professeurs, tous militants, ont été contraints de démissionner ou de faire valoir leurs droits à la retraite. Le pouvoir fait ainsi durement payer les conquêtes sociales de 2019, quand il cédait après un mois de grève des enseignants et accordait entre 35 et 75 % d’augmentation aux enseignants, notoirement sous-payés jusqu’alors. Les médias n’ont pas fait écho de l’interdiction de la JTA. Les membres du bureau arrêtés ont été libérés, puis à nouveau mis en prison lors de la journée mondiale de l’éducation le 5 octobre dernier, journée qui avait été, pour de nombreux enseignants, l’occasion de manifester contre l’interdiction de l’association. Les manifestants pacifiques ont alors été brutalement dispersés par la police anti-émeutes.

L’Internationale de l’Éducation (IE) a rapidement appelé au rétablissement de l’autorisation administrative de la JTA et à la réintégration des enseignants licenciés. Le secrétaire général de l’IE, David Edwards, a affirmé son soutien : « En tant qu’éducateurs et syndicalistes, nous sommes résolument aux côtés de la JTA et de son droit de s’exprimer, de s’organiser et de plaider en faveur de leurs élèves sans que ses membres soient harcelés et arrêtés ! La communauté syndicale mondiale demande la fin de la persécution ». L’IE défend « le droit de toutes les enseignantes et de tous les enseignants à adhérer au syndicat de leur choix et à exprimer leurs opinions sur la politique éducative ». La confédération syndicale international (CSI) a apporté son soutien. Une pétition est en ligne pour protester contre la dissolution de la JTA (ici: https://www.labourstartcampaigns.net/show_campaign.cgi?c=5002 )

En octobre dernier, le SNES-FSU s’est joint à cette campagne de protestation auprès des autorités jordaniennes, leur demandant de mettre fin au harcèlement de la JTA et de garantir le droit syndical.


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