
Peux-tu te présenter et présenter ton organisation ?
Je suis Saed Erziqat, le secrétaire général du syndicat des enseignants palestiniens. J’ai travaillé comme enseignant pendant plusieurs années dans des écoles publiques, puis comme directeur d’école. En 2016, j’ai été élu secrétaire général du Syndicat des enseignants palestiniens, et j’ai été réélu en 2019. J’occupe toujours ce poste à ce jour.
Le syndicat s’efforce de protéger les droits des enseignants, d’améliorer leurs conditions de travail et de les défendre. Nous nous efforçons également d’établir des relations solides avec les syndicats et les fédérations internationales afin de renforcer la solidarité avec la cause palestinienne et de faire pression pour mettre fin à l’occupation, afin que nous puissions réaliser notre rêve d’établir un État palestinien indépendant.
Je suis titulaire d’une maîtrise en administration et politique publiques et je poursuis actuellement un doctorat en leadership et administration de l’éducation.
C’est ma première visite en France et ma première participation au congrès de la FSU. Je suis très heureux d’être ici, car cela me donne l’occasion de faire entendre la voix des enseignants palestiniens au monde entier.

Quelle est la situation de l’éducation et des services publics en Palestine ?
L’éducation en Palestine est confrontée à d’énormes défis en raison de l’occupation israélienne, mais la situation à Gaza est catastrophique dans tous les sens du terme.
L’occupation n’a pas seulement détruit des écoles, elle a aussi pris directement pour cible les enfants et les enseignants avec une force meurtrière. Depuis le début de la dernière agression, des centaines d’écoles ont été réduites à l’état de ruines, et des centaines d’enfants et des dizaines d’enseignants ont été tués. Les bombardements israéliens ont visé des écoles même lorsqu’elles étaient utilisées comme abris pour les civils déplacés, ce qui constitue un crime manifeste contre l’humanité.
L’occupation cherche à effacer toute une génération de Palestiniens, c’est pourquoi elle cible systématiquement l’éducation. Malgré cela, les enseignants palestiniens continuent de résister grâce à leur résilience et à leur détermination à poursuivre leur mission éducative, même au milieu des ruines.
Les services publics de Gaza sont également au bord de l’effondrement. Les hôpitaux souffrent de graves pénuries de médicaments et d’équipements médicaux, l’électricité et l’eau sont quasiment inexistantes, ce qui rend encore plus difficile l’exercice du droit fondamental des élèves à l’éducation.
Malgré tout, l’éducation reste notre arme face à l’occupation, mais nous avons besoin d’un véritable soutien international pour protéger le processus éducatif et reconstruire les écoles détruites.
Que peux-tu nous dire sur la solidarité syndicale mondiale avant et pendant la guerre ?
Nous avons assisté à des changements historiques dans les positions des syndicats internationaux de travailleurs et d’enseignants.
Avant la guerre, il y a eu quelques actes de solidarité de la part des syndicats du monde entier, mais leur impact était souvent limité. Cependant, avec le début des massacres à Gaza, nous avons assisté à des changements historiques dans les positions des syndicats internationaux de travailleurs et d’enseignants.
De nombreux syndicats ne se sont pas contentés de publier des déclarations de condamnation : ils ont organisé des manifestations, brandi des drapeaux palestiniens et lancé des campagnes de pression sur leurs gouvernements pour qu’ils cessent de soutenir l’occupation.
En France, en Espagne, en Italie, en Afrique du Sud, en Amérique latine, au Royaume-Uni, en Australie et même aux États-Unis, nous avons vu des syndicats prendre des positions audacieuses et sans précédent, rejetant ouvertement la complicité de leurs gouvernements avec l’occupation.
Nous apprécions profondément ces positions et les considérons comme une source de force. Mais elles ne suffisent pas : nous avons besoin d’actions concrètes, telles que :
- Faire pression sur les gouvernements pour qu’ils cessent d’exporter des armes vers Israël.
- Soutenir la reconstruction des écoles à Gaza.
- Renforcer les campagnes de boycott contre l’occupation au niveau économique et académique.
Les actions de ces syndicats resteront dans l’histoire et nous espérons qu’ils continueront à intensifier leur soutien jusqu’à ce que l’occupation prenne fin.
L’année dernière, tu étais invité au congrès du SNES-FSU mais tu n’avais pas pu obtenir de visa. Aujourd’hui, nous sommes heureux de t’accueillir au congrès de la FSU. Qu’est-ce que cela signifie pour toi et que peuvent faire les syndicats pour soutenir la cause palestinienne ?
L’année dernière, je n’ai pas pu participer au congrès en raison des restrictions de visa, les Palestiniens n’ayant pas obtenu de visa en raison de la guerre. Cependant, cette fois-ci, je suis très heureux d’être ici au congrès de la FSU, car cela me donne l’occasion de partager les luttes des enseignants et des étudiants palestiniens avec le monde entier.
Je tiens à féliciter le SNES-FSU et tous les syndicats qui nous ont soutenus. Votre position est courageuse, car vous n’êtes pas restés silencieux malgré les pressions politiques et médiatiques.
Pour que cette solidarité ait plus d’impact, nous avons besoin que les syndicats :
- Poursuivent la pression politique pour imposer des sanctions à Israël.
- Soutiennent la reconstruction des écoles palestiniennes, en particulier à Gaza.
- Participent au mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) pour demander des comptes à l’occupation.

Quel rôle les syndicats peuvent-ils jouer dans la construction d’une paix juste et durable ?
Il ne peut y avoir de paix véritable tant que des enfants sont tués dans leurs écoles, que des universités sont bombardées et que des enseignants sont la cible de frappes aériennes.
La paix ne signifie pas un cessez-le-feu temporaire, elle signifie la fin totale de l’occupation.
Par conséquent, les syndicats doivent jouer un rôle décisif en :
- Tenant l’occupation pour responsable de ses crimes contre les Palestiniens.
- Rejetant la collaboration avec les institutions complices de l’occupation.
- Soutenant le droit du peuple palestinien à la liberté, à la dignité et à l’indépendance.
Aujourd’hui, grâce aux efforts courageux des syndicats du monde entier, le monde prend conscience que l’occupation israélienne n’est pas seulement une question politique, mais une injustice historique à laquelle il faut mettre fin.
Tout comme le monde a contribué à faire tomber l’apartheid en Afrique du Sud, il doit œuvrer au démantèlement du système d’occupation et de colonialisme d’Israël.
Avant la guerre, existait-il des relations entre le GUPT et les syndicats israéliens ? Quelle est la situation aujourd’hui ?
Il n’y a jamais eu de relations entre le GUPT et les syndicats israéliens, que ce soit dans le passé ou aujourd’hui.
Certains syndicats israéliens promeuvent l’idée de « coexistence », mais ils ne condamnent pas l’occupation et ne reconnaissent pas les droits des Palestiniens, ce qui les rend complices de l’oppression.
Après les massacres de Gaza, il est devenu évident que tout syndicat qui ne condamne pas explicitement l’occupation est un syndicat complice.
S’il existe des syndicats israéliens qui croient vraiment en la justice, ils doivent :
- Condamner publiquement l’occupation et ses crimes.
- Refuser de collaborer avec les politiques d’apartheid.
- S’associer aux efforts mondiaux visant à mettre fin à l’occupation.
Nous ne recherchons pas une fausse paix basée sur la coexistence avec les oppresseurs. Nous exigeons une véritable justice, qui commence par la fin de l’occupation.
Tu as un dernier message que tu voudrais passer à nos lectrices et à nos lecteurs ?
À tous les syndicats qui nous ont soutenus, merci. Votre solidarité nous rend forts et votre voix fait la différence.
Nous resterons sur notre terre, et personne ne nous forcera à la quitter. Elle nous appartient – ce n’est pas à Trump, Biden ou Netanyahu d’en décider.
Nous avons besoin de vous avec nous, et le monde doit s’unir pour mettre fin à cette occupation avant qu’elle ne détruise tout.
Ensemble, nous poursuivrons la lutte. Ensemble, nous gagnerons.
Vous trouverez ici des informations sur les actions de coopération avec les syndicats d’autres pays, les analyses et réflexions du SNES-FSU sur l’actualité internationale, des comptes-rendu d’instances internationales dans lesquelles siège le SNES-FSU. Des remarques, des questions ?
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