
Située à Buenos Aires, l’ESMA, l’école de mécanique de la marine (Escuela de Mecánica de la Armada), était le principal centre de détention et de torture de la dictature (1976-1983). 5000 personnes y ont perdu la vie, jeté·es en mer par les « vols de la mort », et de nombreux enfants nés en captivité ont été volés. 700 autres centres de ce type étaient répartis à travers le pays. La dictature est responsable de 30 000 « disparitions » et de 15 000 exécutions.
Depuis 1998, le bâtiment de l’ESMA est protégé en qualité de preuve judiciaire des crimes contre l’humanité qui y ont été commis. Il a été décidé de faire de ce lieu un espace pour la mémoire ainsi que de promotion et de défense des droits humains. Le « Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA » est officiellement inauguré le 19 mai 2015. Sa mission est de faire connaître, de faire comprendre y compris à travers des témoignages les violations des Droits Humains commis par l’État argentin et de favoriser un dialogue intergénérationnel sur ces questions. Depuis 2023, l’ex ESMA est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO.

Une asphyxie mortelle
Les fonctionnaires qui travaillent au sein de l’ex ESMA sont rattaché·es au Ministère des Droits Humains dont le budget a été sérieusement amputé depuis l’arrivée au pouvoir de Javier Milei. Plus pernicieux, le budget de l’ex ESMA n’est pas seulement réduit, il est également versé mensuellement et non annuellement mettant ainsi perpétuellement une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Ainsi, et malgré son rôle primordial, le bâtiment se dégrade rapidement à cause du manque de moyens pour l’entretenir. En décembre 2024, le gouvernement a décidé de la fermeture du Centre culturel de la Mémoire Haroldo Conti qui se trouvait au sein de l’ex ESMA.
Désormais, Milei s’en prend aussi aux travailleurs et aux travailleuses de l’ex ESMA. A la mi-mars, 71 fonctionnaires ont été licencié·es. Dans un pays qui connaît une inflation galopante, 180 fonctionnaires n’ont pas reçu leur salaire du mois de mars et ne recevront pas celui d’avril au motif qu’un audit non programmé a consommé les budgets mensuels de mars et d’avril. Les syndicats dénoncent une mesure illégale et les fonctionnaires se sont mis·es en grève pour une durée indéterminée jusqu’à ce que les questions salariales et budgétaires soient résolues.
Faute de pouvoir légalement fermer l’ex ESMA, Milei décide de l’étrangler budgétairement, lentement et méthodiquement.
En privant les travailleuses et les travailleurs de salaire, Milei souhaite les empêcher d’accomplir leurs missions. Sans moyens, impossible en effet de réaliser des ateliers éducatifs ou des visites guidées. Impossible également d’assurer la sécurité et l’entretien de l’édifice, conditions indispensables à son ouverture au public. Faute de pouvoir légalement fermer l’ex ESMA, Milei décide de l’étrangler budgétairement, lentement et méthodiquement jusqu’à forcer une fermeture administrative.
Offensive mémorielle

La volonté de couper le budget de l’ex ESMA s’inscrit pleinement dans une offensive mémorielle de Milei. On rappelle que l’été dernier, des députés de son parti ont rendu visite en prison aux ex-tortionnaires de l’ESMA parmi lesquels Alfredo Astiz, condamné par contumace à la réclusion à perpétuité en France pour le meurtre de deux religieuses. Plus largement, le gouvernement de Milei mène une bataille culturelle.
Le 24 mars, le jour du coup d’État, est en Argentine la Journée Nationale de la Mémoire pour la Vérité et la Justice. Depuis deux ans, Milei souhaite en faire la « Journée de la vérité complète et de la mémoire ». Derrière ce concept de « vérité complète », et dans la lignée d’autres mouvements d’extrême-droite à travers le monde, il voit dans la Mémoire historique un « endoctrinement » et « un usage partisan de l’histoire ». Il conteste par exemple le chiffre des 30 000 disparu·es avancé par les historien·nes et les organisations des droits de l’Homme.
Le gouvernement de Milei, en renvoyant dos à dos les putschistes et le gouvernement renversé et en faisant la promotion de la « théorie des deux démons » qui met une équivalence entre les crimes de guerre de la dictature militaire et les actions des guérilleros luttant contre la dictature fait du négationnisme historique et cherche à effacer de la mémoire les crimes de la dictature.
Soutien du SNES-FSU
La délégation du SNES-FSU qui s’est rendue en Argentine à l’été 2024 pour le 10e congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation avait eu l’occasion de visiter le Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA. Elle avait alors apporté son soutien aux personnels.

Le SNES-FSU renouvelle son soutien aux travailleuses et aux travailleurs de l’ex ESMA, exige le paiement des salaires non versés, appelle à la réintégration des fonctionnaires licencié·es, à la réouverture du Centre Haroldo Conti et à des investissements massifs pour permettre au Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA ainsi qu’au Centre Centre culturel de la Mémoire Haroldo Conti de jouer pleinement leur rôle essentiel pour la Mémoire, pour la justice et pour la démocratie.
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