SNES : Quelle est la situation politique au Tchad actuellement ? La junte est-elle soutenue ?
SET : La situation politique au Tchad est vraiment critique et inquiétante. Aussitôt le Président de la République mort, assassiné pour les uns, blessé au combat puis décédé pour les autres, son fils nommé à la tête du premier groupement de la DGSSIE chargé de la sécurité du palais présidentiel, met en place un Conseil Militaire de la Transition (CMT) dirigé par lui-même et les collaborateurs de son défunt père. Toutes les forces vives du pays (opposition démocratique, la société civile, les regroupements organisés, les syndicats, les religieux, les organisations des jeunes, des artistes), tous sont contre la prise et la confiscation du pouvoir par les armes. Pour eux c’est un coup d’État et ils n’accepteront jamais une forme de « monarchie » héréditaire au Tchad. Les militaires campent sur leur position en sortant une charte de transition donnant tout le pouvoir au Président du Conseil de transition et en nommant un premier ministre, ancien premier ministre du président Déby.
SNES : Quelle a été la réaction de la population ?
SET : Une manifestation annoncée par la coordination des actions citoyennes (CAT) ce mardi 27 avril a été réprimée vigoureusement par les forces de l’ordre faisant plusieurs blessés et des morts. La manifestation était suivie surtout par les jeunes de la capitale et de Moundou, une ville du Sud du pays. Les manifestants ont brûlé des pneus. Des arrestations ont eu lieu également. Tout les Tchadiens accusent la France à travers le Président Macron qui soutenait le régime de Déby et continue à soutenir celui de son fils. (note : le président français a assisté aux funérailles d’Idriss Déby, ce qui a été perçu comme une marque forte de soutien au nouveau régime) Il y a vraiment un sentiment antifrançais à travers les manifestations de ce matin : drapeaux français brûlés, des pancartes brandies avec « non au Conseil Militaire de Transition », « non au vampirisme français au Tchad », « Trop c’est trop », « France hors du Tchad »…
SNES : Quelle est la position du SET sur la prise de pouvoir par la junte?
SET : La position du SET est claire et rejoint celles des autres syndicats et des organisations de la société civile : pas de prise de pouvoir par les militaires. A cet effet, le bureau exécutif du SET a publié un communiqué le 22 avril dernier condamnant cette situation. Il y indique qu’il « condamne toute prise ou confiscation du pouvoir par les armes » et « dénonce tout système de gestion de l’État basé sur la monarchie ». Il « appelle au rétablissement de l’ordre constitutionnel dans un bref délai ».
SNES : Le SET appelle-t-il à manifester pour un retour à un pouvoir civil?
SET : Le SET demande à ses militants de demeurer vigilants et de suivre avec attention l’évolution de la situation politique et militaire du pays. En ce moment notre secrétaire général national est absorbé par le mouvement Wakit -Tamma qui veut dire « l’heure a sonné » (note : mouvement d’opposition à la junte qui demande un retour au pouvoir civil et le respect de la Constitution). Il est très occupé par les marches pacifiques et les manifestations.
SNES : Qui sont les rebelles du Nord? Quelle est leur force réelle ?
SET : Les rebelles du Nord sont les opposants politico-militaires. Ils ont été d’abord déçus par le régime de Déby et ils ont combattu aux cotés de la Libye.
SNES : Dans quelles dispositions est la population de Ndjamena ? Y a-t-il une forte crainte de l’arrivée des rebelles ou de combats touchant la ville ?
La population de Ndjamena souhaite l’arrivée des rebelles pour en finir avec cette dictature qui a duré 30 ans. Ce qu’elle craint ce sont les abus des forces de l’ordre sur la population car la garde républicaine et la police continuent à tirer sur les manifestants et à arrêter quelques citoyens innocents. Il y a un réel problème de violations de droits de l’homme dans le pays. Dans les 7ème et le 9ème arrondissements de Ndjamena ce matin, les manifestants ont été violemment réprimés et l’armée a tiré sur eux à balles réelles.
SNES : Les écoles sont-elles ouvertes dans tout le pays ? Dans la capitale ?
SET : Dans certaines régions les cours continuent mais à Ndjamena la perturbation est totale. Les parents préfèrent garder leurs enfants à la maison pour raison de sécurité.
SNES : Que peut-on dire de la situation des enseignants ? Certains ont-ils quitté leur poste et si oui perçoivent-ils leur salaire ? Quelles sont les difficultés du SET dans ce contexte ?
SET : Les enseignants du Nord sont encore en poste, ce n’est pas dans cette région que se posent des problèmes. La situation est beaucoup plus inquiétante dans la capitale où plusieurs personnes ont quitté la ville vers les zones du Sud. Jusqu’à présent les salaires du mois d’avril n’ont pas encore été versés. Les difficultés du SET dans ce contexte sont grandes : informations trop disparates ; situations très variables : certaines provinces travaillent, la capitale est vraiment perturbée ; certains établissements privés fonctionnent au détriment des écoles publiques à Ndjamena. Nous serons obligés de publier un autre communiqué demandant aux enseignants de cesser le travail si les choses continuent à se dégrader. Car la sécurité des enseignants et des élèves est en jeu.
Le SNES-FSU soutient le SET dans son engagement pour une solution démocratique au Tchad.
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