image: copyright © Michel Hasson

Des accords non respectés par le gouvernement

Le 9 janvier 2020, le gouvernement tchadien signait avec les organisations syndicales de la Fonction publique un accord établissant la fin du gel des effets financiers de l’avancement dans la fonction publique, l’effectivité du reclassement et des titularisations et le versement de la prime de transport. Dix mois plus tard, en octobre 2020, les fonctionnaires tchadiens ne voyaient encore aucun effet financier de cet accord sur leur paye. Un premier mouvement de grève est enclenché à N’Djamena le 23 octobre par les enseignants, puis suivi d’une grève dans tout le pays début novembre, appuyé par la plateforme de tous les syndicats de l’éducation. La grève étant très suivie, le ministre de l’éducation et celui de la fonction publique engagent des négociations qui aboutissent à la promesse de l’application de l’accord de janvier 2020 avant le 31 décembre de la même année, en contrepartie de la levée de la grève.

Les sections provinciales du SET ont dû se prononcer sur la levée de la grève, ce qui suscité de longs débats. La décision d’une levée provisoire l’a emportée avec 13 provinces en sa faveur contre 8 provinces hostiles à la reprise du travail et 2 abstentions.

Une crise sociale qui dure depuis plus de 4 ans

La crise sociale que traverse le pays est profonde et tient à la mauvaise gestion que le gouvernement a faite de la manne pétrolière. Depuis la baisse très nette des prix du pétrole en 2015-2016, baisse accentuée récemment par la crise sanitaire mondiale qui réduit la demande, l’État tchadien qui avait privilégié les ressources pétrolières au détriment d’un développement économique équilibré, se trouve plongé dans une grave crise financière et doit faire face à l’endettement. Le gouvernement n’a pas trouvé d’autres solutions face aux bailleurs de fonds que d’opérer des coupes drastiques dans les budgets des différents ministères, en amputant les salaires des fonctionnaires.

Ainsi les indemnités et primes ont été réduites de 50% dans la fonction publique, un gel des effets financiers des avancements, titularisations et reclassements a été opéré et le remboursement des titres de transports de 2016 et 2019 n’a pas été effectué. Une plate-forme revendicative regroupant plusieurs syndicats de la Fonction publique s’est alors créée. Mais malgré plusieurs mouvements de grève et des accords signés avec le gouvernement, ce dernier n’a pas tenu ses promesses et le pouvoir d’achat des fonctionnaires s’est effondré.

La fonction publique tchadienne souffre du manque de considération de son gouvernement et de sous-effectifs que le plan de recrutement de 2019-2020 n’est pas parvenu à combler. Dans le système éducatif, ce sont , selon Mahamat Djibrine, du SET, trop peu d’enseignants qui ont été recrutés : « on n’a concédé qu’un quota de 2 600 places pour le recrutement de tout les corps confondu. Or depuis 2016, ce secteur a perdu plus de 20 000 agents (décès et admission à la retraite, suspensions, révocations). » De plus, « on déduit de ces 2 600 places 1 560 pour intégrer les professeurs contractuels scientifiques qui sont déjà sur le terrain » « sur les 1040 places restantes il n’y a eu qu’un recrutement de 200 instituteurs jusqu’à présent ».

Et maintenant ?

Fin janvier 2021, la grève a été relancée, en l’absence d’application de l’accord de janvier 2020 par le gouvernement. Mais la situation sanitaire vient changer la donne et laisse craindre que le gouvernement ne l’utilise à ses fins pour surseoir à tout versement : suite à la montée des contaminations, le gouvernement a décidé de la fermeture des écoles et universités : « la ville de N’Djamena est confinée et coupée des autres provinces. La situation est très compliquée. La grève est suivie par tous les services publics et surtout dans le secteur de l’éducation. Mais les portes des écoles sont fermées à N’Djamena. » nous dit Jokebed Djokouloum, trésorière du SET. Elle pense que « la situation épidémique est alarmante au Tchad, et surtout à N’Djamena », où « il y a eu relâchement des gestes barrières ». Dans ce contexte très particulier, la poursuite du mouvement de grève devient très difficile.

Le 29 janvier dernier, le gouvernement du Tchad demandait la restructuration de sa dette auprès des bailleurs de fonds. Cependant il est à craindre que les facilités élargies de crédit obtenues du FMI le 27 janvier par le ministre des finances, n’entraîne sous couvert des réformes économiques qui sont conditionnées à ces facilités, de nouvelles coupes sombres dans les budgets publics. Le pays risque, de plus, d’être suspendu aux résultats de l’élection présidentielle d’avril prochain. Le président Idriss Deby, au pouvoir depuis plus de 30 ans, devra faire face à une candidature unique de tous les partis d’opposition. Cette union des oppositions, sur la base d’un programme commun signé le 28 janvier dernier, est sans précédent dans ce pays sans alternance politique possible depuis bien longtemps. Le dernier rapport de Transparency International continue de placer le Tchad parmi les 25 pays les plus corrompus au monde.

Bienvenue sur le blog actualités internationales du SNES-FSU !

Vous trouverez ici des informations sur les actions de coopération avec les syndicats d’autres pays, les analyses et réflexions du SNES-FSU sur l’actualité internationale, des comptes-rendu d’instances internationales dans lesquelles siège le SNES-FSU. Des remarques, des questions ?
Contactez nous : internat@snes.edu