Haïti : dans le chaos, des initiatives syndicales pour surmonter la crise

De très nombreux sans abri livrés à eux-mêmes

Le bilan du tremblement de terre n’est pas encore définitif à ce jour mais il avoisinerait les 2200 morts, 300 disparus et 12 000 blessés. Les localités les plus touchées sont celles du sud du pays, proches de l’épicentre : les villes des Cayes et de Jérémie, les bourgades de Corail, Pestel, Dame-Marie et Anse d’Hainaut sur le littoral. Le sud-ouest du pays est régulièrement affecté par des séismes d’importance car il se situe sur la faille Enriquillo, très active. Si les plus grandes communes se trouvent sur le littoral et ont fait l’objet de reportages, les dégâts les plus importants, avec glissements de terrains et très nombreuses destructions, se situent plutôt dans l’intérieur montagneux, autour de Camp-Perrin, Maniche et Beaumont, dans le massif de la Hotte. Ces communes sont très isolées et pendant plusieurs jours ont souffert d’une coupure totale de communications avec le reste du pays. Beaucoup d’écoles ont été détruites et de nombreuses familles campent sous des tentes de fortune. Port-aux-Princes, la capitale, se trouve à plus de 300 km et habituellement à 6 heures d’une mauvaise route, coupée par le séisme. Dans les villes du sud des équipes médicales de volontaires sont arrivées, tentent de soigner les nombreuses fractures des blessés et doivent parfois avoir recours aux amputations. Dans les villages de montagne, il n’y a pas d’infrastructure médicale ni même souvent d’aide d’urgence. Partout l’eau potable commence à manquer, ce qui fait craindre la réapparition du choléra. Le 31 août, l’organisme national chargé de la distribution de l’eau indiquait que plus de 50 sites de distribution d’eau avaient été endommagés ou détruits et que 400 000 personnes avaient été privées d’accès à l’eau potable dans le sud dans les jours qui ont suivi le séisme.

La réaction rapide des organisations syndicales haïtiennes

Dès le 16 août, l’UNNOH (Union Nationale des Normaliens Haïtiens) appelait à une mobilisation afin de venir en aide aux enseignants et à leurs familles touchées par le séisme. L’UNNOH indiquait dans un communiqué de presse le 16 août : « les enseignants du Grand Sud sont dépourvus quasiment de tout, ils se retrouvent soudainement sans logis, sans nourriture, sans documents de travail, sans compter pour nombre d’entre eux la douleur éprouvée face à la disparition tragique de proches parents ». L’organisation appelait à la solidarité des enseignants du reste du pays, sous forme de collecte de dons. Quelques jours plus tard, l’UNNOH organisait à Pétionville, près de la capitale, deux journées de solidarité et de récolte de dons.

La Fédération des enseignants de Grand’Anse Ouest faisait parvenir dès le 17 août un bilan provisoire à la secrétaire générale de la CNEH ( Confédération Nationale des Éducateurs d’ Haïti) Magalie Georges. Dans les trois localités de Dame-Marie, Anse d’Hainault et des Irois (littoral sud-ouest, un peu plus éloigné d l’épicentre que les communes de l’intérieur), il n’y avait pas de morts à déplorer mais 2 personnes disparues, 258 blessés, 68 maisons entièrement détruites et 528 maisons endommagées.

Le 25 août, une délégation de l’UNNOEH (Union nationale des Normaliens et Éducateurs d’Haïti) entreprenait une visite des zones sinistrées : « aux Cayes le lycée général a subi de tels dommages qu’ils risquent d’entraîner sa démolition » annonçait Georges Wilbert Franck, le coordonnateur de cette organisation syndicale. Les photographies prises sur place sont saisissantes. L’école nationale Latibolière à Jérémie est aussi partiellement détruite. Le 27 août la délégation visitait le Carrefour Joute et enregistrait les témoignages des enseignants puis constatait que le collège communautaire de Dasma avait été très sérieusement touché par les destructions. De très nombreuses familles étaient encore sans abri et tentaient de retourner dans leur maison, faute d’hébergement. Or, ces édifices étaient loin d’être sécurisés.

Des incertitudes sur la rentrée scolaire et l’acheminement de l’aide

Nul ne sait si la rentrée scolaire, prévue le 6 septembre, aura bien lieu dans le sud. Non seulement les bâtiments scolaires ont été gravement touchés, mais beaucoup d’élèves et de parents ont tout perdu et ne pourront payer les frais d’écolage exigés par les écoles privées, très fréquentées en Haïti (80 % des élèves sont scolarisés dans le privé). L’inspecteur principal du district de Grand’Anse affirmait lui-même au micro de RFI que dans le district de Beaumont, seules deux écoles sur huit étaient en capacité d’accueillir les élèves. Dans le même reportage, un enseignant de l’école privée du village de Corail affirmait qu’il ne pourrait reprendre l’enseignement puisque les parents ne pourront lui verser un salaire. D’autre part, certaines écoles qui sont restées intactes ont servi d’abri aux personnes sinistrées et ne peuvent donc plus être dévolues à l’enseignement.

La FSU coopère depuis longtemps avec les syndicats enseignants haïtiens, par l’intermédiaire de Solidarité Laïque. Cette association a lancé un appel aux dons au lendemain du tremblement de terre, en partenariat avec Aide et Action. Elle participait déjà, avant les événements tragiques de l’été au programme Lékol chimen libèté ( «École chemin de la liberté»). Dans l’immédiat Solidarité Laïque et Aide et Action tentent de distribuer aux élèves du Grand Sud 30 000 kits scolaires pour la rentrée.

Sur place, les syndicats haïtiens de l’éducation, prompts à organiser la solidarité, sont très attentifs au cheminement de l’aide : ils veulent trouver des mécanismes qui permettent que ces aides aillent vraiment à leurs destinataires et ne soient pas détournées, comme cela a trop souvent été le cas dans le passé en Haïti. De plus, la sécurité est loin d’être assurée dans le Sud et dans tout le pays : les gangs ont bien affirmé avoir décrété une trêve et laisser le passage libre de la capitale aux villes du sud mais ils continuent de régner en maîtres et les enlèvements se poursuivent.

Le SNES et la FSU, en lien direct avec les syndicats haïtiens de l’éducation, prendront leur part dans la solidarité qui s’organise.