Des stratégies gouvernementales diverses

Si dans l’ensemble les gouvernements latino-américains ont très rapidement fermé les écoles et les établissements secondaires dès mars 2020, des différences importantes existent entre États, voire entre provinces d’un même État. Plusieurs pays ont connu, depuis un an, une fermeture quasiment continue des écoles : c’est le cas du Pérou et de la Bolivie, et même du Mexique. D’autres ont fermé assez rapidement les écoles en mars 2020 mais ont jugé possible la rentrée scolaire australe à partir de février 2021, couplée à un début de vaccination : c’est ainsi qu’au Chili, en Argentine, au Brésil, en Colombie, l’école a repris depuis plusieurs semaines. En Bolivie aussi, elle reprend à présent timidement. Néanmoins, presque partout le nombre de jours de fermeture depuis le début de la pandémie dépasse les 40 semaines, ce qui équivaut quasiment à une année blanche.

Un enseignement à distance presque impossible

Les gouvernements latino-américains ont mis en œuvre des politiques d’enseignement à distance qui se sont avérées bien décevantes. En Argentine le gouvernement a voulu développer des « classes virtuelles » mais seulement la moitié des élèves ont accès à un ordinateur à la maison et la connexion à internet est souvent erratique dans les zones rurales. De fait, plus de la moitié des élèves argentins du primaire, selon une ONG locale, n’ont eu pour tout contact avec leur enseignant que des connexions irrégulières sur le téléphone portable de leurs parents qui rendait quasiment impossible le rendu des devoirs.

D’autres États ont misé sur la télévision : ce fut le cas du Mexique où moins de 50 % des familles ont un forfait internet alors que 92 % d’entre elles reçoivent la télévision. Des cours télévisés ont été diffusés de 7h30 à 23h, avec des horaires différenciés selon les classes d’âge, afin de permettre aux fratries d’y avoir également accès. Mais la qualité de ces cours et l’attention apportée par les élèves sont variables. Dans l’ensemble les parents mexicains estiment qu’ils n’ont pu aider leurs enfants à faire leurs devoirs et que le travail scolaire a été trop léger. Le Pérou a aussi privilégié la télévision, avec le programme « Aprendo en casa » (« J’apprends à la maison ») mais beaucoup de villages des régions montagneuses des Andes captent mal la télévision et l’UNESCO dans un récent rapport estime que 380 000 élèves péruviens (sur environ 6 millions) n’ont eu aucun accès à l’enseignement depuis un an. Le gouvernement a bien essayé de pallier cette difficulté en finançant un million de tablettes dotées de contenus éducatifs et de recharges solaires mais il n’est pas parvenu à les distribuer dans les villages les plus isolés. La Bolivie a dû se résigner en août 2020 à cesser tout enseignement à distance devant les trop grandes difficultés à le mettre en place (une courte tentative d’enseignement en visioconférence avait montré que très peu d’élèves y avaient accès).

Le creusement des inégalités

En Argentine beaucoup d’adolescents « décrocheurs » ont rejoint leurs parents dans les travaux agricoles ou se sont mis à la recherche de « petits boulots » en ville. Un fort décrochage scolaire, de l’ordre de 20 à 25 % a été recensé au Mexique, où les mères célibataires ou seules au foyer ont dû parfois renoncer à leur travail informel pour garder leurs enfants. Plus souvent elles n’ont pu financièrement se le permettre et ont donc laissé leurs enfants sans encadrement, ce qui n’a pas favorisé le suivi scolaire. Au Pérou, si plusieurs centaines de milliers d’enfants n’ont eu accès à aucun cours depuis un an, d’autres n’ont pu véritablement tirer parti des cours à la radio et à la télévision, en particulier pour ceux qui commençaient l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Le décrochage est estimé par le gouvernement à 15 %, mais il est certainement beaucoup plus important et le travail des enfants a, là aussi, beaucoup augmenté, lié aussi à l’appauvrissement des familles. En Bolivie, on estime que plus de 40 % des élèves n’ont eu accès à aucun cours depuis un an.

Au Brésil, le creusement des inégalités sociales s’est accentué, entre jeunes des milieux aisés qui fréquentent des établissements privés dispensant un enseignement à distance et écoles publiques aux élèves beaucoup moins privilégiés, qui sont restés longtemps fermées.

Et maintenant ?

Le retour à l’école « en présentiel » se fait souvent de façon prudente : ainsi en Argentine c’est la mode hybride qui est pratiqué, en demi-groupes, comme en Colombie. En Bolivie aussi l’école a repris sous un mode hybride, ou même parfois totalement en distanciel, en faisant appel à des émissions de radio et de télévision.

Au Mexique, où les contaminations sont encore très importantes et probablement sous-estimées par les statistiques officielles, les écoles restent majoritairement fermées mais le président Lopez Obrador prône une réouverture dans les zones « vertes » où les écoles rouvrent en très petit nombre. La vaccination des enseignants a par ailleurs commencé dans 5 États sur les 31 que compte le pays.

Au Brésil, la fin des vacances d’été a marqué, en février, le retour en présentiel. Mais ce retour est très contesté par les organisations syndicales enseignantes car il ne s’accompagne pas d’un effort de vaccination des enseignants, et encore moins des élèves. Plusieurs décès d’enseignants ont mené à des actions en justice contre les gouverneurs locaux ou les autorités municipales responsables de la décision de réouverture, alors que la pandémie reste totalement hors de contrôle dans le pays. En Colombie on observe la même contestation enseignante d’un retour en classe en demi-jauge alors que la plupart des enseignants ne sont pas vaccinés et que les écoles ne présentent pas de sécurité sanitaire.

Si l’ « année blanche » a été une triste réalité dans beaucoup de pays d’Amérique latine, les conditions d’un retour en classe sécurisé ne sont pas toujours remplies alors que les taux de contamination demeurent très élevés.

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