Les mines : un secteur stratégique

La Guinée est riche en bauxite et en fer. Après la suspension des projets d’exploitation du fer du mont Simandou, en Guinée forestière (Sud-Est du pays), c’est vers la bauxite que tous les appétits se sont tournés.
Le pays abrite en effet plus du tiers des réserves mondiales de ce minerai et la production nationale a quadruplé depuis cinq ans, plaçant la Guinée au deuxième rang mondial des producteurs, derrière l’Australie. De plus, sur les marchés mondiaux, le cours de la bauxite n’a cessé de monter depuis 2018. Pendant ce temps l’exploitation du diamant et de l’or connaissaient des difficultés. La bauxite est donc devenu le principal revenu d’exportation du pays.
Mais qui en profite ? Au cours de la dernière décennie, la Guinée a révisé son code minier mais pas forcément en allant vers plus de transparence. Si les revenus miniers de l’État ont été augmentés, les mises aux enchères des concessions minières ne se sont pas faites dans la transparence, avec souvent moins de trois candidats et des conditions d’attribution pour le moins opaques. Les intérêts financiers de certains membres des gouvernements successifs et de hauts fonctionnaires ne sont qu’un secret de polichinelle. Si les entreprises minières sont censées verser aux communes concernées une « redevance superficiaire », cette contribution au développement local est très modeste. Restent bien évidemment des emplois créés sur place mais très mal rémunérés.

…aux mains des intérêts étrangers

La bauxite est exploitée par trois sociétés : SMB-Winning (chinois) qui représente presque 60 % de la production, CBG (détenu en minorité par l’État guinéen et en majorité par un consortium anglo-australien, 25 % de la production) et CBK, filiale de Rusal (russe, 6 % de la production).
Les gisements se trouvent respectivement à Boké, Sangarédi (au nord-ouest), et Kindia (sud-ouest). Ils se trouvent donc à l’intérieur des terres et la logistique pour les acheminer vers les ports de Kamsar (Boké et Sangarédi) et Conakry est importante. C’est ici qu’entre en jeu le rôle d’UBS, filiale de SMB qui assure le transport de la bauxite vers Kamsar. L’exploitation minière est si intense que plus de cinq trains circulent tous les jours pour assurer ce transport…dans un pays où d’autres transports ferroviaires sont rares…
Le géant chinois SMB a investi dans deux nouveaux gisements, ceux de Santou et Houda, dans la région de Télimélé et projette la construction d’une voie ferrée pour les relier au terminal fluvial de Dapilon.  La ligne de chemin de fer entre Santou et Dapilon dont la mise en service est prévue pour 2022, parcourra 135 km, pour un coût total estimé à plus d’un milliard d’euros. On voit par là qu’il ne s’agit pas d’intérêts négligeables. La Chine est d’ailleurs d’une certaine manière dépendante de ces investissements, avec une part guinéenne de 55 % dans ses importations de bauxite. Elle est aussi la première productrice mondiale d’aluminium et un trafic très régulier relie le terminal guinéen de Kamsar au port de Yantai, haut-lieu de la sidérurgie chinoise.
Depuis 2019, SMB a aussi candidaté à la reprise de l’exploitation du fer de Simandou, qui serait l’un des gisements de fer les plus grands du monde, après l’abandon de l’anglo-australien Rio Tinto.

Enfin, le secteur aurifère, moins important, est aux mains des Sud-Africains (Anglogold) et des Russes (Nordgold).

Une grève dure… qui dure

La grève dans le secteur minier a commencé à l’automne avec d’une part celle des travailleurs d’UMS (filiale de SMB-Winning qui assure la logistique : transport et équipement), à partir du novembre 2021, et celle des mineurs de CBK en janvier 2022. Les revendications étaient diverses mais touchaient principalement aux salaires (demande d’augmentations substantielles) et aux conditions de travail et de crédit (les entreprises jouant aussi le rôle de « banquier » auprès de leurs employés, ce qui les rend très dépendants).
La grève de novembre a entraîné un arrêt total du transport des produits miniers à Kaboyé et Malapouya (près de Boké). Des négociations ont été vite engagées mais les propositions des compagnies étrangères ont été jugées très insuffisantes, voire méprisantes : 10 % seulement d’augmentation pour les salaires les plus bas (qui tournent autour de 250 euros) et 6 % pour les salaires plus élevés (de 450 euros environ). Après quelques concessions comme l’amélioration des conditions de transport en bus des travailleurs, puis l’intervention du chef de la junte militaire, le travail a repris le 17 novembre mais le mécontentement était grand. Fin novembre, des accords ont fini par être signés : « ces accords stipulent beaucoup de choses notamment, la prise en charge sanitaire à 100% du travailleur et sa famille, la dotation en denrées alimentaires, le paiement du 13ème mois » déclarait Mamadou Chérif Diallo, l’un des meneurs de la grève. Ils devaient s’appliquer au 1er janvier 2022.
Mais le conflit a repris en janvier faute d’application des accords, l’UMS a alors menacé de licenciement ou de « congé technique » plusieurs employés dont la liste recoupait assez bien celle des dirigeants de la grève… La direction de l’entreprise a aussi accusé les grévistes d’ « actes violents en bande organisée » et déposé plainte. Par la suite, certains meneurs de la grève ont même été arrêtés.
Le 25 janvier, c’était au tour des travailleurs de la CBK (dans la région de Kindia) d’entrer en grève pour protester contre des licenciements abusifs de huit personnes dont trois responsables syndicaux. Dès la fin novembre, l’employeur avait tenté de repousser les élections professionnelles dans l’entreprise, craignant qu’elles ne soient remportées par la CNTG.

La solidarité syndicale est alors entré en jeu. Salifou Camara, secrétaire général de la FSPE, l’un des deux principaux syndicats enseignants du pays rattaché à la centrale CNTG, témoigne : « nous avons fait des déclarations dans la presse, en signe d’avertissement, et affirmé que ces arrestations et licenciements étaient inacceptables. Chez nous la presse constitue un réel moyen de pression».
« Les syndicalistes arrêtés ont été libérés vendredi (le 27 janvier) mais la lutte continue pour rétablir ceux qui ont été licenciés dans leur droit. Nous demandons aux sociétés minières de prioriser le dialogue et de négocier avec les personnes concernées qui sont les travailleurs. Si cela n’est pas fait, nous allons tous monter au créneau pour défendre nos frères qui travaillent dans les zones minières ».

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