Dans le cadre de la journée internationale des enseignants (24 janvier), le CSFEF répond aux questions de l’association Solidarité Laïque, qui travaille également avec les pays francophones.

SL : L’année dernière, l’UNESCO célébrait la journée de l’éducation avec le thème « les enseignant-e-s, héros de l’apprentissage ». Vous êtes en contact avec de nombreux enseignants, et syndicats du monde francophone. Comment ressentent-ils la situation actuelle ? 

CSFEF : ce sont des héros mal payés, déconsidérés. Quand j’échange avec mes collègues à l’international, c’est le sentiment de lassitude et d’agacement qui semble dominer. La crise sanitaire semble avoir pris le pas sur tous les autres sujets. Elle est devenue un prétexte idéal pour beaucoup de gouvernements pour mettre de côté les revendications, les propositions concernant les conditions de travail, les infrastructures scolaires, le matériel pédagogique, les salaires, la protection sociale… D’un seul coup, cela a tout paralysé, on a dit aux enseignants “mettez vos revendications de côté”. En Afrique francophone, cela a été d’autant plus mal ressenti que la maladie ne s’est pas véritablement étendue. On a appliqué des mesures sanitaires identiques à celles des pays occidentaux, notamment les fermetures d’écoles, alors que la situation sanitaire n’était pas aussi tendue.

À la reprise des cours, des conflits sociaux ont éclaté dans plusieurs pays (Gabon, Guinée, Sénégal, …) car les “héros de l’apprentissage” réclamaient tout simplement leurs arriérés de prime et de salaire. Oui il y a une crise mais les personnels d’éducation en ont assez de ce prétexte pour ne plus négocier le reste. Derrière cette crise, il y a des êtres humains qui disent stop. D’autant plus que la crise aurait pu être mieux surmontée si on n’avait pas laissé l’école publique se déliter. 

Les rapports actuels sont alarmants : il y a un recul du droit à l’éducation, notamment avec ces nombreuses fermetures. Comment les enseignant-e-s gèrent-ils au quotidien ? 

Les situations sont très diverses et varient bien sûr d’un pays à l’autre. Les professeurs ont eu à gérer les protocoles, les fermetures plus ou moins soudaines. Les enfants se sont retrouvés hors de l’école. Au-delà des conséquences sur l’apprentissage, cela a eu des conséquences en termes de socialisation. L’école n’est pas simplement un lieu où on apprend les savoirs, c’est aussi un lieu d’interaction, de socialisation. L’éloignement de l’école a provoqué chez les élèves comme chez les enseignants une désocialisation qui a eu des effets psychologiques. Ces effets commencent à être étudiés. Un enseignant marocain m’expliquait que de nombreux enseignants se sont retrouvés complètement isolés et seuls pour préparer leurs cours, séquences, pour faire face aux informations qui venaient de partout. Le travail enseignant devrait être un travail collectif. Dans un pays comme le Sénégal, du jour au lendemain, on leur a dit que les écoles étaient fermées, les enseignants sont rentrés chez eux et puis on leur a dit qu’il fallait qu’ils fassent du suivi pédagogique à distance, sans aucun moyen. 

Les solutions numériques n’ont-elles pas permis dans certains cas de maintenir ce lien ? 

On a parlé du numérique comme étant LA solution. Mais le numérique recouvre beaucoup de situations différentes : cela peut aller du cours fait à distance à des documents que l’on met sur une plateforme et que les élèves peuvent consulter à distance, ou à des échanges entre des personnes. 

En Afrique francophone, par exemple, la connexion est instable et limitée. Le moindre data coûte aussi bien pour l’enseignant que pour l’écolier. Il n’y a pas toujours d’électricité. Dans ces pays, il y a eu une différence nette entre le public et le privé. Le privé avait déjà des plateformes ou des contacts avec des services d’enseignement privé. Ils ont pu rapidement mettre en place des dispositifs alors que les écoles publiques ayant peu de moyens, n’ont pas pu le faire. 

Au Bénin, les ont obtenu une journée de réflexion, lors de la rentrée scolaire, axée sur le numérique. Les enseignants ont pu faire un bilan de l’apprentissage à distance et exprimer leurs besoins. La réponse du gouvernement a été de proposer une formation avec du matériel type tablettes. Très bien ! Cependant, cela n’a touché que 2% de la population enseignante tellement les moyens étaient faibles. Cette idée qui était intéressante s’est heurtée à un problème quantitatif : il n’y a pas eu un réel investissement.

Comment dépasser une vision court- termiste de ces solutions ? Y a-t-il des propositions pour des systèmes éducatifs plus résilients ?

Globalement, on observe qu’il faut des moyens : investir dans l’école publique, considérer, valoriser et consulter les enseignants pour que ça fonctionne. Il faut de la formation, rendre le métier de l’enseignant attractif : une politique salariale sur le long terme. Cela suppose des moyens pour investir dans l’éducation. Les pays d’Afrique ont des ressources dans leur sous-sol qui ne bénéficient pas à leur population. Il y a aussi énormément d’argent qui est détourné par l’évasion fiscale. Manifestement, comme c’est du long terme, on baisse les bras, on met des solutions court-termistes, du sparadrap. On pourrait imaginer un plan numérique pour les pays africains qui soit solide, robuste, pensé en lien avec les professionnels. Cela suppose d’investir. Cela ne doit pas non plus se faire au profit de grands groupes qui mettraient en danger l’égalité d’accès à l’éducation.  Beaucoup d’États, comme le Maroc, préfèrent actuellement subventionner les écoles privées plutôt que d’investir dans la construction d’écoles publiques.. En termes d’égalité c’est grave car les familles se retrouvent à payer. C’est sans arrêt une bataille pour dire qu’il faut du public. Les financements publics ne doivent pas être fléchés sur l’éducation privée. Cela nous rassemble tous au sein du réseau francophone contre la marchandisation de l’éducation, auquel participe Solidarité Laïque. 

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