Nos collègues du NEU (National Education union) l’un des principaux syndicats de l’éducation britannique, proche des positions du SNES-FSU, ont bien voulu répondre à nos questions, au lendemain de la fermeture des écoles et de l’annonce par le maire de Londres que la crise sanitaire était « incontrôlée ».
SNES-FSU : Pouvez-vous décrire la situation juste avant la décision de fermeture ?
NEU : Les établissements avaient bénéficié de deux semaines de vacances de Noël juste avant leur fermeture, et la plupart des écoles primaires publiques devaient ouvrir le lundi 4 janvier. Le gouvernement a déclaré que les écoles secondaires pourraient retarder le retour des élèves jusqu’au 11 janvier pour les élèves qui passent des examens et au 18 janvier pour les autres élèves afin de permettre aux établissements de mettre en place des tests Covid en masse avant le retour des élèves. Les syndicats de l’éducation ont demandé un report de l’ouverture pour tous les établissements .
Le 3 janvier, lorsqu’il est clairement apparu que les taux de contamination augmentaient de manière exponentielle, la NEU a convoqué une réunion en ligne de ses adhérents à laquelle ont assisté 400 000 personnes. Notre président et les deux co-secrétaires généraux ont informé les adhérents dans les écoles primaires, les écoles maternelles et les écoles spéciales qu’ils estimaient que les écoles étaient dangereuses en raison de la propagation massive du virus, en particulier par l’augmentation du taux de Covid chez les enfants d’âge scolaire, du fait aussi du manque d’équipements de protection individuelle pour le personnel scolaire et de l’incapacité à ventiler complètement les écoles. Ils ont également indiqué que les éducateurs devaient faire jouer le droit de retrait que les directeurs d’écoles devaient enclencher. De nombreux membres de la NEU l’ont fait et, par conséquent, de nombreuses écoles primaires n’ont pas ouvert leurs portes le 4 janvier. Cependant, certaines écoles ont ouvert partiellement ou complètement ce jour-là. Six syndicats de l’éducation ont également publié ce jour-là une déclaration commune demandant que l’ouverture des écoles soit retardée pour des raisons de sécurité.
Face à la pression croissante des syndicats, du personnel politique et des parents, le Premier Ministre Boris Johnson a annoncé, dans la soirée du 4 janvier, un nouveau confinement national, incluant toutes les écoles, avec un enseignement à distance pour tous les élèves, à l’exception des enfants des personnels prioritaires et des enfants vulnérables. Cela signifie que de nombreux jeunes enfants se sont côtoyés pendant une journée entière le 4 janvier et ont ensuite potentiellement ramené le virus dans leur famille.
SNES-FSU : quel type de soutien ont reçu les enseignants du gouvernement britannique dans la crise sanitaire ?
NEU : Le personnel enseignant a reçu très peu de soutien de la part du gouvernement pour faire face à la pandémie. Le gouvernement a déclaré que les écoles devaient fournir un nombre minimum d’heures d’enseignement à distance aux élèves pendant le confinement et que l’Ofsted – l’inspection des écoles – surveillerait la qualité de l’enseignement à distance fourni lorsque les parents s’en inquiéteraient. Il a également déclaré que l’école devait être ouverte aux enfants des personnels des secteurs jugés essentiels ou aux enfants vulnérables. Cette liste a été élargie et par conséquent, un nombre beaucoup plus important d’enfants sont désormais autorisés à fréquenter l’école en présentiel que lors du précédent confinement. En outre, les directeurs d’école sont chargés de veiller à ce que tous les enfants qui bénéficiaient normalement d’un repas scolaire gratuit reçoivent à la place un repas chaud quotidien ou un colis alimentaire ou un bon. Nous estimons donc que le gouvernement a placé d’énormes attentes dans le personnel éducatif – enseignants, chefs d’établissement et personnel d’accompagnement – mais qu’il n’a guère apporté de soutien.
SNES-FSU : En France le gouvernement tient à maintenir les établissements scolaires ouverts afin de soutenir l’activité économique et de permettre aux parents d’aller travailler. Il semble que cela ait été la même chose au Royaume-Uni. Cela signifie-t-il que la montée de la contamination au sein du public scolaire ou la pression de l’opinion publique aient contraint le gouvernement britannique à changer de politique ?
NEU : C’est à la fois l’augmentation des taux d’infection (1 personne sur 50 est maintenant atteinte du coronavirus et c’est même 1 personne sur 30 à Londres), l’opinion publique et l’action de masse des syndicats qui ont forcé le gouvernement à fermer les établissements. Les scientifiques ont également clairement indiqué au gouvernement que les fermetures d’écoles étaient nécessaires. Les rapports de la London School of Hygiene and Tropical Medicine du 23 décembre, les documents du groupe consultatif scientifique pour les situations d’urgence (SAGE du 22 décembre ) et un rapport de l’Imperial College du 31 décembre – tous contiennent le même message: il ne serait pas possible, avec le nouveau variant de la Covid-19, d’obtenir un taux de reproduction (R) inférieur à un sans une période de fermeture des établissements .
SNES-FSU : Que pensez vous de l’application possible des mesures de distanciation, de non brassage des élèves (« bulles d’élèves ») et de la rotation de demi-groupes ?
NEU : Les adhérents de la NEU ont déclaré que la distanciation sociale dans et autour des écoles est très difficile, voire impossible, lorsque les écoles sont ouvertes à tous les élèves. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes enfants et les enfants des écoles spéciales. Même lorsque les écoles appliquent la distanciation sociale, les élèves se mélangent à l’extérieur dans les rues, dans les transports publics, dans les parcs, etc. C’est particulièrement vrai pour les enfants plus âgés. Le gouvernement n’est pas disposé à autoriser les rotations à l’école. C’est ce que la NEU a demandé lorsque les écoles ont repris en septembre, mais le gouvernement ne l’a pas permis. Les bulles scolaires étaient souvent très importantes – par exemple un groupe d’une année entière dans certaines écoles secondaires impliquant parfois 150-200 élèves.
SNES-FSU : Le personnel des établissements scolaires sera-t-il vacciné en priorité ?
NEU : Le personnel éducatif ne sera pas traité comme étant prioritaire à moins qu’il ne fasse partie d’un des groupes prioritaires en tant qu’individu (comme les personnes cliniquement extrêmement vulnérables). En décembre, la NEU a écrit au Secrétaire à l’éducation (équivalent du ministre de l’Education) pour recommander la vaccination de tout le personnel éducatif de plus de 45 ans en contact avec les élèves, ainsi que de ceux présentant d’autres vulnérabilités, au cours des premières semaines de janvier.
La liste des priorités du gouvernement britannique pour la phase 1 de la campagne de vaccination n’inclut pas les enseignants spécifiquement, alors que les aidants des personnes âgées et les travailleurs sociaux et de santé y figurent.
Le Comité mixte sur les vaccins et l’immunisation (JCVI) a suggéré que des professions spécifiques, par exemple les enseignants, pourraient être prioritaires dans la phase 2 de la campagne, mais aucune décision n’a été prise et il est peu probable que nous atteignions la phase 2 avant de nombreux mois.
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