L’afflux de réfugiés en Roumanie
Depuis la fin du mois de février, la Roumanie se trouve confrontée à un afflux important de réfugiés ukrainiens, entrant par le nord du pays, frontalier de l’Ukraine. « au 28 mars, la Roumanie a accueilli 593 000 citoyens ukrainiens environ » explique Alexandra Cornea. «Une partie d’entre eux arrive aussi indirectement par la Moldavie, par où ils transitent. Ils ont été par exemple 2674 dans la seule journée du 27 mars à venir de Moldavie ». Mais elle indique que « la plupart des réfugiés, environ les deux-tiers, sont en transit en Roumanie, en attendant d’aller en Europe occidentale où ils ont de la famille ou des amis ». Ils rejoignent surtout les importantes communautés ukrainiennes d’Espagne, d’Italie ou d’Autriche.
Il faudrait donc compter sur environ 200 000 réfugiés restant à ce jour dans le pays, et parmi eux la police roumaine aurait recensé plus de 31 000 enfants, ce qui semble sous-estimé. « Mais les données changent tous les jours » souligne Alexandra Cornea. Il est donc très difficile de lister les besoins et d’organiser l’accueil d’une population fluctuante.
L’engagement de la FSLI dans l’accueil
Comme l’ensemble de la population roumaine, les enseignants et particulièrement les adhérents de la FSLI ont été très solidaires des réfugiés ukrainiens. « La FSLI par ses sections dans les régions des Maramures, de Suceava, Botosani, Cluj et Bucarest a aidé les autorités locales par des collectes de vêtements, de lits de camp, de couvertures, de nourriture et de médicaments, tout comme de jouets et fournitures pour enfants. Des milliers d’enseignants ou de personnels d’éducation se sont portés tous les jours à la frontière et ont aidé à diriger le flux des réfugiés, leur ont donné les informations nécessaires sur les possibilités de transit, sur leurs droits. La FSLI a ouvert jusqu’à présent 18 centres de collecte de nourriture, de médicaments, de vêtements, de couvertures et de fournitures scolaires. Les 5 derniers centres ont ouvert ces jours-ci dans la région des Maramures ».
« Les hôtels et les autres possibilités d’hébergements que notre syndicat possède ont été mis à disposition des réfugiés dans les zones frontalières. Nos collègues ont accueilli des familles de réfugiés chez eux» La FSLI a aussi récolté des dons de ses membres qui ont été redirigés vers la Croix Rouge et l’UNICEF, ces organisations « ayant des dispositifs rodés et des réseaux bien organisés d’aide dans des zones en conflit que nous n’avons pas ».
Certains mineurs ne sont pas accompagnés par des adultes. Ils traversent le pays en essayant de rejoindre des proches qui généralement se trouve dans d’autres pays d’Europe. Ils sont bien évidemment très vulnérables et le gouvernement roumain « prépare une procédure officielle pour l’enregistrement des mineurs non accompagnés. Ils seront pris en charge par la protection de l’enfance dès le franchissement de la frontière » explique Alexandra Cornea. « Une force d’intervention a même été constituée à cet effet ».
Un combat pour la scolarisation des enfants et adolescents
Très rapidement, il a fallu organiser la scolarisation des jeunes réfugiés. Alexandra Cornea indique que « les syndicats enseignants ont immédiatement demandé au ministère de l’éducation de mettre à l’ordre du jour du parlement une loi spéciale permettant l’inscription des jeunes réfugiés dans les établissements scolaires et les universités. Un décret ministériel d’urgence a été pris à la mi-mars qui précise que tous les réfugiés qui demandent à intégrer le système scolaire et universitaire seront acceptés et affectés à des classes et des niveaux qui correspondent à leurs capacités ». Ces capacités sont testées en l’absence de documents qui les attestent.
Elle nous donne un exemple d’intégration rapide : « le 15 mars dernier, 200 élèves venus d’Odessa ont été intégrés au lycée Mihai Viteazul de Bucarest [un très bon établissement secondaire de la capitale roumaine qui revendique 100 % de réussite au baccalauréat]. Un premier groupe de 80 écoliers a été réparti dans 3 classes. Ils vont y étudier de 15h à 18h, sous la coordination de deux enseignantes venues elles aussi d’Odessa. Les enfants continuent d’étudier en ukrainien sous le contrôle de leurs enseignants. Le 22 mars, d’autres enfants venus d’Ukraine ont été intégrés et à présent 8 classes accueillent dans cet établissement des élèves ukrainiens ».
«Nous travaillons maintenant sur deux scenarii : un enseignement dispensé entièrement en ukrainien ou une intégration des élèves ukrainiens dans les classes ordinaires des élèves roumains ». Les deux solutions envisagées ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients, dans l’incertitude de la durée du conflit et de l’exil.
Mais les difficultés se multiplient: « le principal problème à Bucarest et dans les autres grandes villes tient à la surcharge des classes qui ont déjà des effectifs importants. Si le conflit dure, nous allons devoir intégrer des milliers d ‘élèves et actuellement chaque école accueille deux ou trois élèves sans grande difficulté mais en inscrire plus sera très compliqué! ». De plus, si l’option d’enseigner en ukrainien est maintenue, ou si une progressive intégration est pratiquée, il faudra de toute façon des enseignants qui comprennent l’ukrainien « ce dont nous manquons » souligne Alexandra Cornea, « tout comme tout simplement de salles de classe » et ce d’autant plus que « les effectifs de classe sont déjà pléthoriques dans les grandes villes ». Il faut aussi rapidement évaluer le niveau réel de ces nouveaux élèves, les affecter dans des classes qui correspondent à leurs capacités si on veut vraiment les aider. Les autorités locales cherchent déjà à recruter des enseignants ukrainiens, « mais pour le moment nous n’avons pas encore de réglementation et de cadre légal pour le faire ».
Enfin, la plupart des enfants et adolescents n’étant pas hébergés dans des centres d’accueil mais plutôt chez des particuliers, ils peuvent facilement passer « sous les radars » des autorités. Comme en Pologne, certains parents préfèrent garder leurs enfants à leurs côtés sans les scolariser et espèrent revenir vite en Ukraine. Alexandra Cornea insiste sur la nécessité de « créer rapidement un dispositif qui permette de répertorier les enfants et adolescents, mesurer leur niveau scolaire et les inscrire dans les établissements ». Elle ajoute « je voudrais prévenir nos collègues d’Europe occidentale : il faut que vous vous teniez prêts à organiser avec votre administration l’intégration des enfants ukrainiens dans les établissements scolaires. Vous allez avoir les mêmes problèmes que nous. Il est évident que ce conflit ne connaîtra pas une fin rapide et qu’il aura des effets sur le long terme ».
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