
Entre le brouillard de guerre et la guerre informationnelle, il est difficile de savoir précisément combien d’enfants sont concerné·es par les déportations. Les sources ukrainiennes ont identifié officiellement 20 000 enfants qui se trouvent actuellement en Russie. Il y en a très probablement davantage. De son côté, Maria Lvova-Belova la « commissaire aux droits des enfants » de Vladimir Poutine affirme que la Russie « a accueilli » 700 000 enfants.
Le mode opératoire des enlèvements est multiple. Il peut avoir lieu lors d’un simple barrage routier ou lors d’un séjour à l’hôpital pour soigner les blessures occasionnées par un bombardement. Parfois, les occupants russes mettent en place des camps de filtration. Les orphelin·es sont alors des cibles privilégié·es pour les enlèvements mais les soldats russes n’hésitent pas à séparer des familles pour une raison ou une autre. C’est dans un de ces camps de filtration qu’Oleksandr, 12 ans originaire de Marioupol a été subitement séparé de sa mère et s’est vu annoncer par des soldats russes qu’il allait être transféré dans un orphelinat avant d’être « adopté » par une famille russe.
Russification forcée

Une fois séparé·es de leur famille, les enfants sont régulièrement déplacé·es, ce qui rend très difficile leur localisation. Elles et ils sont emmené·es dans des internats, des orphelinats ou des camps en Ukraine occupée, en Russie ou en Biélorussie. Les enfants qui en sont revenu·es décrivent un processus de « réhabilitation» à grande échelle dans des camps pouvant parfois accueillir des milliers de personnes, comme ceux de « Mriya », « Druzhba » et « Promenystyi » en Crimée occupée. Ce processus vise à effacer l’identité ukrainienne de ces enfants : documents d’identités confisqués, interdiction de parler leur langue, cours entièrement en russe, port de l’uniforme et lever des couleurs de la Russie, etc. Elles et ils décrivent également les mauvaises conditions de détention : les lits en métal, la nourriture insuffisante mais surtout les insultes, les coups et la pression psychologique des gardes qui les menacent fréquemment d’être envoyés dans une « famille d’accueil » en Russie.
Parfois, après des semaines ou des mois sans pouvoir donner de nouvelles, les enfants parviennent, d’une manière ou d’une autre, à se procurer un téléphone et à contacter leurs proches permettant ainsi à ces derniers de les localiser, même de manière approximative.
Le difficile retour
Initiative Bring Kids Back UA
1243. Le nombre d’enfants ramenés à leur famille
Interrogé, le Syndicat des travailleurs de l’éducation et des sciences de l’Ukraine (STESU) n’est pas habilité à traiter la question des enlèvements d’enfants. Celle-ci fait l’objet d’âpres et secrètes négociations entre l’Ukraine et la Russie. Le gouvernement ukrainien, ses alliés et diverses ONG ont monté ensemble l’initiative Bring Kids Back UA (« Ramenez les enfants en Ukraine ») afin d’identifier, de localiser et de ramener auprès de leurs familles et en lieu sûr les enfants déporté·es. L’initiative prévoit également un support psychologique et scolaire pour les enfants rapatriés. Les témoignages et les documents attestant de ces enlèvements sont soigneusement collectées pour servir de preuves lors d’un éventuel procès pour crimes de guerre devant la Cour Pénale Internationale.
Le 17 mars 2023, la Cour Pénale Internationale a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova. La CPI a des « motifs raisonnables de croire qu’ils sont individuellement responsables » des crimes de guerre de déportation illégale et de transfert illégal d’enfants. Si l’un d’eux se rend dans un État membre de la CPI, ce dernier a l’obligation, théorique, de l’arrêter.
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