Des réfugiés dans des situations très variables

Parmi les réfugiés, « beaucoup avait des contacts en Pologne avant le guerre » explique Dorota Obidniak, « soit qu’un membre de leur famille ait déjà séjourné et travaillé en Pologne (avant la guerre, il y avait entre 1 million et 1,5 million de travailleurs ukrainiens en Pologne), ou qu’eux-mêmes aient travaillé en Pologne dans le passé ; ils connaissent alors la langue, ont des connaissances, des amis, d’anciens employeurs. Ces personnes sont généralement hébergées par des parents, des amis ».

En ce qui concerne l’hébergement, ceux qui n’ont pu être hébergés par des proches ont été logés « dans des appartements prêtés par des citoyens polonais ». « Les institutions telles que les hôtels, les foyers, ont mis leurs ressources à la disposition de l’État à l’appel des administrations provinciales. L’État s’est engagé à payer le séjour des réfugiés dans ces lieux mais a réduit de trois fois le tarif initialement promis. Il a proposé un tarif journalier par personne, qui ne couvre pas les frais de séjour (logement et nourriture), ce qui est source de graves tensions ».

Les réfugiés qui sont dans les situations les plus difficiles sont ceux qui ne bénéficient pas d’aide de proches en Pologne. Parmi eux « un grand nombre vit continuellement dans des salles de sport et autres logements temporaires similaires ».

Ces situations très variables se répercutent sur les enfants et les adolescents : « certains viennent à l’école depuis leur maison ou appartement, où parfois toute une famille vit dans une seule pièce, mais a au moins un minimum d’intimité, d’autres enfants vivent dans un foyer ou dans un ancien hall de bureaux transformé en dortoir, où ils n’ont même pas un casier personnel ».

La plupart des réfugiés sont arrivés avec un seul sac ou une seule valise, étant donné les conditions de leur exode. Avec le changement de saison -on est passé d’un début de mois de mars particulièrement glacial au printemps depuis quelques jours – , « tout le monde, surtout les enfants qui grandissent, a besoin de vêtements, de chaussures ». De ce point de vue « les Polonais ont fait d’énormes collectes, on trouve des vêtements et des jouets partout où séjournent les réfugiés ».

Faire appliquer le droit à l’éducation

« Les enfants réfugiés ont le même droit à l’éducation que les enfants polonais » explique Dorota Obidniak. Comme il n’est pas rare que ces enfants et adolescents se trouvent sans leurs parents restés en Ukraine, leurs accompagnants (grands-parents, tantes, ou même des amis) sont considérés comme tuteurs et peuvent les inscrire à l’école.

Des mesures de solidarité ont été prises au niveau municipal et au niveau national. A Varsovie, par exemple, « les autorités éducatives locales ont fourni aux apprenants à distance ukrainiens des équipements et un lieu d’étude s’ils en ont fait la demande » nous dit le ZNP. Les élèves réfugiés ont aussi reçu des fournitures scolaires, des cartables et des manuels. La création d’écoles ukrainiennes avec des enseignants ukrainiens résidant en Pologne est envisagée. Les élèves ukrainiens bénéficient de la gratuité du transport, des repas et de l’accès aux centres sportifs ( piscine, terrains, gymnases) et aux institutions culturelles (musées, zoos, expositions). Cette disposition s’applique à tous les réfugiés, qu’ils soient mineurs ou adultes. Tout comme l’accès gratuit au système de santé.

« Le problème n’est pas la réglementation mais la pénurie physique de places et d’enseignants » explique Dorota Obidniak. « Les écoles et les jardins d’enfants acceptent les élèves malgré les problèmes de locaux et le manque d’enseignants » mais ils seront vite débordés. Le ZNP estime qu’à Varsovie seulement, il y a environ 100 000 élèves supplémentaires arrivés d’Ukraine et 700 000 dans toute Pologne. C’est une transformation brutale et profonde pour les établissements scolaires polonais : « chaque jour, environ un millier de nouveaux élèves sont inscrits dans les écoles. Un établissement scolaire polonais moyen compte 500 élèves, vous pouvez donc imaginer que c’est comme s’il fallait créer deux nouvelles écoles chaque jour ».

Réfugiés ukrainiens accueillis à Zakopane dans le centre mis à disposition par le ZNP

La réticence de beaucoup de réfugiés à inscrire leurs enfants

Le ZNP constate que de « nombreux tuteurs n’inscrivent pas leurs enfants ». Une affirmation confirmée par les chiffres donnés par le HCR : la Pologne accueillerait aujourd’hui 2,4 millions de réfugiés dont la moitié environ seraient des enfants et des adolescents. Au lieu des 1,2 millions d’élèves attendus, les établissements polonais en scolarisent donc 700 000.

Les militants du ZNP l’expliquent par plusieurs facteurs : d’une part, beaucoup de réfugiés espèrent que la guerre s’achèvera rapidement et qu’ils pourront rentrer chez eux, d’autre part, ils craignent que la scolarisation dans un système scolaire nouveau, dans une langue étrangère, soit un traumatisme supplémentaire pour leurs enfants. Les vacances scolaires débutant en juin en Ukraine, « ils pensent qu’il ne reste que deux mois d’école environ et qu’au total, les trois ou quatre mois de scolarité perdus se rattraperont aisément l’an prochain ». Ces familles ont aussi connu la période de la pandémie de covid et de fermeture des écoles, et croient que leurs enfants pourront faire face à nouveau. Elles ont aussi besoin de repos après des semaines très difficiles en Ukraine et selon Dorota Obidniak « ne veulent pas stresser leurs enfants ». Enfin, « certains réfugiés n’ont pas encore décidé s’ils allaient rester en Pologne et, si oui, dans quelle ville ». Tous ces éléments freinent considérablement la scolarisation rapide des enfants et des adolescents

Par conséquent, certains jeunes sont dans l’attente quand d’autres « profitent de l’enseignement à distance proposé par les établissements ukrainiens dans les régions où la guerre le permet. Le ministère ukrainien de l’éducation a également organisé un enseignement à distance. Cette forme est utilisée par les élèves des milieux favorisés, car ils peuvent obtenir des certificats qui leur permettront de passer l’examen final – l’équivalent du baccalauréat- après la guerre » et sont à l’aise dans l’utilisation du numérique.

Comment inclure les réfugiés dans le système scolaire polonais ?

« Dans le système éducatif polonais, il existe plusieurs modèles d’éducation pour les migrants/réfugiés et ce, depuis plusieurs années » indique Dorota Obidniak. Des classes d’accueil pour des réfugiés ne maîtrisant pas le polonais regroupent des enfants du même âge qui reçoivent des cours de sciences dans leur langue (mais aussi en introduisant progressivement le vocabulaire spécifique polonais), des cours de polonais (6h par semaine), d’éducation physique et sportive, d’anglais ou d’une autre langue étrangère, d’éducation artistique et de langue et culture propre à l’origine des réfugiés. Cependant, il arrive que lorsque les réfugiés de même âge soient trop peu nombreux dans une école, ils soient répartis dans les classes ordinaires. Ils disposent alors de cours individuels de polonais. Enfin « les élèves qui connaissent le polonais et peuvent communiquer dans cette langue sont intégrés dans les classes ordinaires » explique Dorota Obidniak.

« La loi prévoit l’emploi d’enseignants auxiliaires et d’assistants interculturels. L’enseignant assistant doit avoir une connaissance du polonais et avoir une formation pédagogique. Un assistant culturel peut être un Ukrainien qui parle le polonais. Ils font office de tuteur, de traducteur et de personne de contact pour les parents/tuteurs des élèves ».

Mais tout n’est pas parfait : « Les autorités locales gérant les écoles et les écoles elles-mêmes attendent les fonds promis par les autorités de l’État, entre autres pour créer des postes et augmenter les embauches ». il faudra aussi rapidement modifier la législation sur la validation des diplômes des enseignants ukrainiens, qui ne sont pas encore reconnus, ce qui freine leur embauche.

Le rôle du syndicalisme enseignant

Le ZNP a pris sa part dans la solidarité envers les réfugiés, au niveau local dans un premier temps par l’organisation de collectes de denrées alimentaires, produits d’hygiène, médicaments. Dans le domaine scolaire le ZNP a organisé « des formations en ligne en coopération avec des spécialistes expérimentés et de qualité, financées par le ZNP » ainsi que « des webinaires gratuits pour les directeurs d’école sur la façon de recruter et d’employer des assistants interculturels et des aides-enseignants, sur la façon d’organiser le travail et de développer le plan de travail d’un assistant » et « des cours gratuits pour les assistants interculturels, qui leur fournissent des informations de base sur le système éducatif en Pologne, des connaissances sur le rôle des tâches de l’assistant, les formes de travail possibles, le système éducatif polonais » . Des enseignants polonais ont aussi été rapidement formés à l’enseignement du polonais langue étrangère.

Le ZNP affiche sa solidarité avec l’Ukraine

« En outre, ajoute Dorota Obidniak, le ZNP a employé un enseignant de Kharkiv dans son bureau de Varsovie, dont la tâche est de tenir une rubrique en ukrainien sur notre site internet, de publier des informations actualisées importantes pour les réfugiés et de créer une base de données d’enseignants ukrainiens désireux de travailler en Pologne ». Enfin, le ZNP finance le séjour de 200 réfugiés ukrainiens hébergés dans son centre de Zakopane ou dans ses locaux de Varsovie, Cracovie et Katowice. Comme le syndicat dispose d’un important patrimoine immobilier hérité de son histoire, il l’a très rapidement mis à disposition des réfugiés. A Zakopane, la plupart des réfugiés accueillis sont des élèves de 13 à 16 ans venant d’un établissement scolaire évacué de Vinnytsia, dans le centre de l’Ukraine, pour lesquels le ZNP a organisé une scolarisation. Le SNES-FSU envisage de participer à ce projet.

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