Budapest

La Hongrie a conditionné depuis septembre toute entrée sur son territoire à des tests et à une quarantaine obligatoire de 10 jours. Ceci n’a pourtant pas empêché la diffusion du virus et le pays, dans un premier temps peu touché, accuse aujourd’hui plus de 11 000 morts, soit proportionnellement à sa population un peu plus qu’en France. Les écoles primaires et secondaires (de 11 à 14 ans), ainsi que les lycées (de 15 à 19 ans) ont connu un fonctionnement erratique et le décrochage scolaire a été important parmi les catégories d’élèves les moins favorisés. Enfin, si la population était avant la crise épidémique très largement favorable aux vaccins, la perspective, récemment annoncée par le gouvernement, de ne pas se limiter aux commandes de l’UE et d’avoir recours aux vaccins russe et chinois, a renversé la tendance. Le SNES-FSU mène depuis deux ans un projet de coopération avec le PSz (Pedagogusok Szakszervezete), principal syndicat hongrois de l’éducation ; son vice-président Tamàs Totyik a répondu à nos questions.

SNES-FSU : Où en est la Hongrie d’un point de vue épidémiologique? Quelles sont les régions et catégories sociales ou d’âge les plus touchées par l’épidémie ?

PSz : Le problème majeur est que les données publiées ne reflètent pas la réalité. Il n’y a pas de données concernant l’appartenance à des classes sociales. 90% des personnes décédées avaient plus de 60 ans. Pour la répartition par région le tableau est mitigé, les deux régions près des frontières, aux pôles opposés du pays (comté de Vas, près de la frontière autrichienne et de Hajdú-Bihar, près de la frontière roumaine) et la capitale comptent le plus grand nombre de contaminés. Il n’y a pas non plus de statistiques par groupe professionnel. Certains disent que le nombre de décès est plus élevé parmi les travailleurs du secteur de la santé et de l’enseignement (plus de 30 enseignants décédés sur le total de 145 000 travailleurs du secteur, et plus de 50 travailleurs décédés dans le secteur de la santé sur un total de 100 000 personnes). Mais, face au nombre de retraités décédés, ces chiffres sont négligeables. Parmi les enseignants décédés de Covid 19, 90% étaient des personnes présentant des maladies chroniques (cardio-vasculaires, diabète, asthme sévère). Selon nos sondages, 20% des enseignants ont déjà été malades du Covid 19, mais il n’y a pas de statistiques officielles. Les indemnités maladie par type de maladie ne font pas l’objet de publications .

SNES-FSU : Quelles sont les mesures qui ont été prises dans les écoles, collèges et lycées? Sont-ils toujours ouverts? Y a-t-il un enseignement à distance et avec quels moyens (sites, applications, distribution de matériel aux élèves et/ou aux enseignants)?

PSz : A la rentrée de septembre l’enseignement fonctionnait en présentiel. Les lycées depuis le mois d’octobre travaillent en ligne, et ce jusqu’au 1er février. Dans les écoles générales (écoles primaires et début du second degré, jusqu’à 14 ans) et dans les maternelles on travaille en présentiel et on passe à l’enseignement en ligne seulement si les enseignants au travail ne peuvent plus s’occuper des classes, pour avoir au moins un enseignant par classe pour toute la journée. Dans des cas extrêmes il est arrivé aussi que la femme de ménage soit obligée de surveiller les élèves en classe ! Au lycée général et dans les établissements de formation professionnelle, les élèves doivent seulement être présents aux cours pratiques (TP). Les plus jeunes doivent donc aller à l’école et ceux de plus de 14 ans (niveau lycée en Hongrie) ont des classes en ligne. Les élèves du lycée général sont munis d’outils appropriés pour l’enseignement en ligne, mais 1/3 des élèves de l’école professionnelle sont totalement démunis et ne peuvent pas suivre les cours, ils risquent de perdre toute l’année scolaire. La majeure partie des enseignants doit se procurer les outils numériques (ordinateurs portables, webcams, internet). Les écoles ne commencent que maintenant à se doter de systèmes propres de communication en ligne: Google Classroom, Microsoft Teams… La méthode leur manque aussi. Les enseignants n’étaient pas préparées à ce type de travail. La formation initiale ne couvre pas ce domaine. La formation des enseignants pour faire face à la pandémie n’a pas eu lieu ni au printemps ni en été, ainsi ils essayent de se débrouiller autant que possible.

SNES-FSU : les syndicats de l’éducation sont-ils consultés par le gouvernement pour prendre des décisions dans le domaine sanitaire?

PSz : La consultation a lieu, mais nos suggestions ne sont prises en compte que dans des situations extrêmes. Nous avons envoyé nos requêtes au CSEE (branche européenne de l’Internationale de l’Éducation). L’écho dans la presse est important. Les parents d’élèves nous soutiennent aussi. Nous avons exigé des tests, la traçabilité des infections et l’enseignement hybride depuis le mois d’août et nous demandons toujours que les enseignants et les parents contaminés en quarantaine touchent leur salaire intégral. Au mois de novembre, avec la montée du nombre de personnes infectées et des décès, certaines suggestions que nous avions formulées en temps utile ont enfin été prises en considération. Nous sommes d’avis que les mesures sont prises seulement lorsque le danger est trop grand et cela entraîne des coûts supplémentaires pour les finances publiques. Il n’y a pas de prévention. Une autre difficulté est le niveau des décideurs. La décision de la fermeture d’une école est prise à un niveau où les décideurs n’ont rien en commun avec l’enseignement et pas de lien direct avec l’école, donc ne connaissent pas vraiment la situation …

SNES-FSU : La vaccination a-t-elle démarré? Les enseignants sont-ils prioritaires? Y a-t-il une grande méfiance à l’égard des vaccins russe et chinois? La population peut-elle avoir le libre choix du vaccin (russe, chinois ou américain)?

PSz : La vaccination des personnels de l’éducation n’a pas encore commencé. Les enseignants ne constituent pas une catégorie prioritaire. Pour le moment les vaccins sont américains mais le gouvernement a signé des contrats importants concernant les vaccins russe et chinois, or la population refuse ces vaccins. Ainsi la volonté de se faire vacciner est très faible (le taux d’inscription pour se faire vacciner est de 30-40% des habitants et 40-50% des enseignants). La communication du gouvernement quant à la vaccination n’est pas claire et peut être équivoque. Notre union, le SEH-PSz mène une campagne sur Facebook et YouTube pour inciter les gens à se faire vacciner avec des vaccins autorisés par les autorités sanitaires de l’UE et nous continuons à nous battre pour que les personnels de l’éducation soient prioritairement vaccinés.

SNES-FSU : Dans l’avenir quelles sont les mesures envisagées pour l’éducation: poursuite de l’enseignement à distance, dates ou modalités des examens changés? Avez-vous des sources d’inquiétude ?

PSz : A cause de la pandémie, les jeunes ont demandé l’ajournement des examens du baccalauréat (l’argument principal a été le trop long confinement et les déficiences dans le système en ligne). Le taux d’enseignants absents est beaucoup trop élevé ( et ce n’est pas que la pandémie, mais le surmenage aussi). Les mutations du virus nous inquiètent et nous n’avons pas assez d’informations sur le nombre de contaminés et sur les cas de décès (âge et domaine professionnel). Le gouvernement a profité de la pandémie pour accélérer la privatisation de l’enseignement supérieur et la gestion de beaucoup d’écoles générales et de lycées est cédée à l’Église. 60% de la formation initiale des instituteurs est d’ores et déjà géré par l’Église. C’est un danger pour la laïcité de l’éducation. Sur 2000 agglomérations 150 n’ont plus que des écoles primaires gérées par l’Église. Nous craignons un recul de l’école publique et laïque.

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