Impréparation et accentuation des inégalités

Rien n’était prêt pour affronter une telle situation et c’est en catastrophe que le gouvernement a reconfiné le 15 janvier, puis décrété la fermeture des établissements scolaires pour une « pause » du 22 janvier au 7 février, et le retour à l’enseignement à distance à compter du 8 février. Cette pause de 15 jours sera compensée par un raccourcissement des vacances de carnaval, de Pâques et d’été, et, selon le gouvernement, devrait permettre de laisser du temps pour organiser l’enseignement à distance et distribuer des ordinateurs portables à ceux qui en sont dépourvus. Mais « le gouvernement avait déjà promis ces équipements aux professeurs et aux élèves pour…septembre 2020 » nous signale Manuela Mendonça, de la FENPROF.

Si la FENPROF, syndicat portugais de l’éducation, ne conteste pas la nécessité des mesures strictes appliquées, elle interroge sur l’improvisation et le caractère performatif des instructions gouvernementales en matière éducative :  « les conditions d’un retour à l’enseignement à distance, promises par le pouvoir, n’ont pas été remplies » écrit le bureau exécutif de la FENPROF dans un communiqué du janvier. La FENPROF dénonce une « totale incapacité de planification et d’identification des nécessités de terrain». L’enseignement à distance va encore creuser les inégalités. Selon l’institut national des statistiques qui a réalisé une enquête en mars 2020, un élève sur cinq ne dispose pas d’ordinateur dans le foyer familial et 5 % des familles avec enfants n’ont pas d’accès à internet. « Aujourd’hui la situation n’est pas vraiment meilleure, d’autant que la distribution de l’immense majorité des ordinateurs promis en septembre a été reportée à fin mars » nous indique Manuela Mendonça. Elle pense que « les inégalités s’accentuent, surtout pour ce qui est des élèves qui ont besoin d’un apprentissage plus individualisé. Les questions d’ordre social deviennent aussi plus problématiques, avec des millions de travailleurs au chômage technique ou licenciés. Cette situation a des répercussions fortes sur les familles et spécifiquement sur le suivi des enfants »

Et ce d’autant plus que personne ne sait quand le retour au « présentiel » va s’effectuer : « nous avons le sentiment que cette situation d’enseignement à distance va se maintenir a minima jusqu’à la fin du mois de février, et beaucoup plus probablement jusqu’à la fin du deuxième trimestre, le 25 mars. » ajoute Manuela Mendonça. Le calendrier des examens sera prochainement modifié.

L’épuisement des enseignants

En ce qui concerne les enseignants, « le gouvernement continue d’ignorer la réglementation du télétravail », et, cette fois, « ne peut alléguer du caractère inédit et imprévisible de la situation ». Le code du travail portugais prévoit pourtant, qu’en cas de télétravail, c’est l’employeur qui pourvoit aux dépenses d’équipement informatique et aux abonnements aux fournisseurs d’accès. La FENPROF avait déjà proposé au gouvernement lors du premier confinement que le surcoût entraîné par le télétravail soit compensé par des dégrèvements fiscaux, mais le gouvernement a refusé ces propositions. De plus, le syndicat portugais avait déjà dénoncé l’absence de protection des données personnelles, de limite entre vie privé et vie professionnelle, le stress et l’impression de travail sans fin qui étaient apparus avec le travail à distance dès le premier confinement. Le syndicat portugais avait réalisé un intéressant travail de synthèse sur les effets de l’enseignement à distance durant le premier confinement, consultable ici (en portugais) :https://www.fenprof.pt/Download/FENPROF/SM_Doc/Mid_115/Doc_12667/Anexos/ED_-_a_percecao_dos_professores.pdf

Des témoignages d’enseignants

Il montrait que plus de la moitié des enseignants n’était jamais arrivé à entrer en contact avec tous les élèves durant le confinement. Plus de 93 % des enseignants interrogés avaient constaté une aggravation des inégalités entre élèves. Moins de 20 % des enseignants avaient pu apprécier positivement l’aide que leur avait alors procuré le ministère de l’éducation. Un additif à l’étude montre que le niveau élevé de fatigue éprouvé par les enseignants n’a pas disparu avec le retour au présentiel, car « de nouveaux facteurs sont venus se cumuler aux facteurs antérieurs : nécessité de s’enquérir des élèves absents, la coexistence du télétravail et du présentiel, ou la préoccupation de lutter contre les possibles contaminations à l’école ». L’insatisfaction, le sentiment du travail « mal fait », dominent.

Un professeur écrit : « le processus d’enseignement et d’apprentissage requiert beaucoup plus que quelques cours virtuels, qu’ils soient télévisés, « youtubisés » ou « classroomisés », et si nous ne regardons pas cela en face, nous allons tromper les élèves et leurs familles, et les laisser nous tromper ». « Les enseignants sont en train d’être submergés par la paperasse (…) Maintenant il y a des tutoriels sur des plateformes digitales, sur des ressources en ligne qui poussent comme des champignons, nous recevons des emails avec des orientations, puis quand nous les avons suivies, des rectificatifs…. » constate un autre.

Depuis quelques jours, les chiffres de contamination baissent assez nettement, montrant que le strict confinement porte ses fruits. Mais les établissements scolaires ne pourront rouvrir avant plusieurs semaines. Pourtant, au Portugal comme en France, le ministère de l’éducation avait longtemps prétendu que les écoles n’étaient pas des lieux de contagion…


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