Odile Cordelier (SNES) et Kamuran Karaca (EGITIM SEN)

Victimes à la fois des attaques terroristes et des dérives dictatoriales du régime Erdogan, ils résistent chaque jour aux intimidations. En octobre 2015, une manifestation pacifique à Ankara, organisée par les principales confédérations syndicales de gauche, a été frappée par une attaque terroriste attribuée à Daech : 101 manifestants ont été tués par l’explosion de plusieurs bombes dont 7 membres enseignants d’Egitim Sen. Depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, le président Erdogan, sous prétexte de lutte anti-terroriste et avec l’appui de sa formation ultra-conservatrice AKP, a entrepris d’éliminer toute forme d’opposition. Plus de 140 000 fonctionnaires ont été suspendus ou révoqués, parmi lesquels 30 000 enseignants du primaire et du secondaire. Ils ne perçoivent plus aucun salaire et ne peuvent travailler dans nombre de secteurs du privé. Ils ont été privés de leur passeport, ce qui leur interdit tout déplacement à l’étranger. Ils n’ont plus de couverture sociale. Ils n’ont généralement reçu aucune justification à leur suspension, si ce n’est le motif farfelu d’ « appartenance à une organisation terroriste », avancé sans l’ombre d’une preuve par le pouvoir en place.

Odile Cordelier (SNES) et Kamuran Karaca (EGITIM SEN)
Odile Cordelier (SNES) et Kamuran Karaca (EGITIM SEN)

Egitim Sen soutient tous ses adhérents suspendus ou révoqués par son fonds de solidarité : un versement de 500 euros, dans les premiers mois de la répression a été effectué, mais après presque un an de versements, le syndicat a dû réduire à 350 euros par enseignant le soutien mensuel. La solidarité syndicale internationale a joué mais elle n’est plus suffisante pour faire face aux besoins. Le SNES a versé une contribution de 10 000 euros et continue à collecter des fonds. Nos camarades de l’Egitim Sen nous en ont chaleureusement remercié.

Kamuran KARACA, président d’Egitim Sen  dénonce la situation d’instabilité actuelle de la Turquie qui est à relier aux attentats qui frappent aujourd’hui l’Occident, il rappelle qu’Egitim Sen n’a jamais soutenu les actions violentes et a toujours condamné les attentats mais ne cédera pas aux pressions. Pour Egitim Sen, c’est la politique anti-démocratique et anti-syndicale de l’AKP qui a créé le chaos en Turquie, l’AKP tendant à imposer un système de parti unique et une société qui ne sera plus laïque. Il souligne que les révocations et les détentions n’ont aucune base légale, que tous les révoqués et suspendus l’ont été sans preuve ni enquête, sans possibilité de recours. Dans ce contexte politique extrêmement difficile, la situation de l’éducation en Turquie est alarmante, Kamuran KARACA évoque la pauvreté matérielle des écoles, la tendance à la privatisation, la concurrence d’associations religieuses encouragées par l’AKP, le chômage des jeunes professeurs diplômés qui ne trouvent pas d’emploi, le manque de reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle du pays et l’obligation des cours de religion dans l’enseignement public. A l’image de Kamuran KARACA qui a conclu son discours par un « nous ne renoncerons jamais ! », beaucoup de militants conservent l’espoir de la fin de la répression et d’une fragilisation à venir du régime actuel : l’un d’eux, suspendu et privé de passeport et de couverture sociale, nous déclare : « Cela durera encore deux ans , trois ans, mais cela ne pourra durer indéfiniment. Le régime perdra le soutien populaire. Et ce qui compte beaucoup pour nous c’est la solidarité internationale. »

En complément :

Egitim Sen est le principal syndicat turc de l’éducation. Traditionnellement orienté à gauche et favorable à la reconnaissance des droits des minorités ( kurdes, Alévis…), il appartient à la grande confédération KESK qui regroupe les fonctionnaires. L’opposition politique de gauche à l’AKP apporte son soutien aux combats des syndicalistes d’Egitim Sen ; la présence de députés ou de dirigeants du CHP (parti laïque et social démocrate, 25 % des voix aux dernières élections législatives), HDP (parti de gauche, de défense des minorités, 13 %), HKP (parti de libération du peuple, 0,13 % des voix), d’EMEP (parti du travail, communiste dissident, 0,1%) au congrès d’Egitim Sen en témoigne. Serpil KEMALBAY , du HDP, a d’ailleurs fait remarquer dans son allocution que ce sont les syndicats, et en particulier Egitim Sen, qui ont joué un rôle essentiel dans la lutte contre le régime militaire des années 80.

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