L’Élysée nous promettait un discours « qui nous fera oublier le résultat des européennes ». Difficile de lui donner tort compte tenu des conséquences de la dissolution, mais cela ne doit pas nous exempter d’une analyse. Ce scrutin européen était le premier depuis la sortie définitive du Royaume-Uni, la pandémie de covid-19 et le début de l’invasion russe de l’Ukraine. La somme des enjeux n’a toutefois pas suffi à mobiliser massivement. Avec une moyenne de 51,01 %, le léger rebond de participation de 2019 se confirme, mais il n’est pas de nature à inverser profondément l’érosion de la participation observée depuis 1979.
L’invasion russe ne favorise pas la mobilisation.
Comme un symbole de ce désenchantement, parmi les pays les plus abstentionnistes, on trouve le dernier entrant, la Croatie (21,34 %), mais aussi les trois pays baltes, pourtant directement menacés par la Russie avec une participation comprise entre 28 et 33 %. En outre, si on compare avec 2019, il est à noter que c’est en Hongrie, le pays le plus eurosceptique et russophile de l’UE, que la participation a le plus augmenté, tandis qu’un pays traditionnellement europhile comme l’Espagne est parmi ceux où la participation a le plus baissé.
Un parlement qui penche à droite.
Depuis les premières élections européennes de 1979, le Parti Populaire Européen (PPE) de droite conservatrice et ses alliés ont toujours eu la main sur le Parlement Européen. Avec un gain de 10 sièges, la plus grande progression, le PPE confirme sa domination en 2024. L’érosion des LR en France et plusieurs contre-performances des conservateurs (notamment en Scandinavie) sont largement compensées par le net succès en Allemagne de la CDU-CSU, qui recueille plus de 30 % des voix, mais aussi par la victoire du PP espagnol, celle du parti conservateur flamand en Belgique, ainsi que de Nouvelle Démocratie en Grèce. Les partis conservateurs l’emportent aussi en en Pologne, en Slovénie et en Croatie, en Bulgarie, en Estonie, en Lettonie ou encore à Chypre. Au total, en voix comme en sièges, ils l’emportent dans une quinzaine de pays sur les 27 que compte l’Union. Dans le même temps, on observe une progression des différentes composantes de l’extrême droite grâce à de bons résultats dans des pays élisant de nombreux et nombreuses député·es. Le centre de gravité du Parlement Européen se déplace donc encore davantage vers l’extrême droite, mais cette progression est à nuancer.
L’extrême droite européenne ne forme pas un tout uni. L’eurogroupe Identité et Démocratie (ID) progresse de 9 sièges en grande partie grâce à la performance du RN (+12). L’eurogroupe des « conservateurs et réformistes européens » (ERC) progresse de 4 sièges grâce à la forte progression de fratelli d’Italia de Meloni (+14) mais recule en Pologne (–7). Enfin, en Allemagne, l’AfD renforce l’eurogroupe non-inscrit avec 4 sièges supplémentaires qui compensent la perte de 3 sièges du Fidesz de Viktor Orban. Au total, c’est un gain de 13 sièges pour ID et ERC. Cette progression ne peut pas laisser indifférent, mais à l’échelle d’un Parlement Européen comptant 720 sièges, le big bang annoncé n’a pas eu lieu.
Les libéraux et les écologistes sont les grands perdants.
À gauche, le Parti Socialiste Européen (PSE) arrive seul en tête uniquement au Portugal et fait jeu égal avec le PPE seulement en Roumanie et à Chypre. Cette stabilité, 135 sièges contre 139 précédemment, vient du rebond du PS français, des victoires du PSP, des sociaux-démocrates suédois et des socialistes roumains, mais aussi de la résistance du PSOE (Espagne) face au PP et du score honorable obtenu par le SPÖ autrichien, qui compensent globalement la forte baisse du contingent fourni par le SPD au groupe S&D.
À l’échelle européenne, les libéraux et les écologistes sont les grands perdants et perdent respectivement 23 et 18 sièges. Le groupe Renew, malgré une bonne surprise venue des Pays-Bas et le bon score du Fianna Fail irlandais, pâtit des échecs de Renaissance, du FDP allemand et des libéraux belges – un déclin déjà entamé par le départ des élus britanniques issus des « lib-dem » dès 2020.
Pas de bouleversements.
Ces résultats n’augurent rien de bon pour ce qu’il reste du green deal européen et les politiques sociales de l’UE. Il est toutefois impensable de céder à la fatalité. L’engagement et les luttes de la FSU et de ses syndicats nationaux contre les idées d’extrême-droite et en faveur des services publics est plus que jamais indispensable pour bâtir une alternative et préparer une future alternance. L’Europe sociale reste à construire.
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