Un programme de coopération freiné par la pandémie

La Mauritanie a hérité de la colonisation un enseignement bilingue : en français pour les matières scientifiques et en arabe pour les matières littéraires. Elle est membre de l’OIF et notre partenaire syndical, le SNES Mauritanie, est membre du CSFEF ( Comité syndical francophone de l’éducation et de la formation).

Pour les années 2019-2020 puis 2020-2021, le programme de coopération entre le SNES-FSU et le SNES Mauritanie prévoyait le soutien financier à de nombreux déplacements en province (afin de récolter les cotisations, distribuer des publications et favoriser de nouvelles adhésions dans des établissements parfois assez isolés) ainsi que la rénovation et la relance d’un site internet. Même si nombre de localités souffrent d’un manque d’électricité et d’accès au réseau internet (voir plus bas), le SNES Mauritanie faisait le constat que comme partout ailleurs en Afrique, le téléphone portable était très utilisé et permettait à la plupart des usagers urbains d’accéder à internet.

Mais ce programme de coopération a été impacté par la pandémie : le 14 mars 2020, le gouvernement mauritanien décidait la fermeture des établissements scolaires, après que le premier cas de coronavirus avait été constaté dans le pays. Cette fermeture des établissements s’est longtemps prolongé et a rendu caduque la programmation des visites d’établissements du projet de coopération. Dans une période où les établissements scolaires étaient fermés dans la plupart des pays du monde, le SNES-FSU a décidé de reporter la plupart des projets de coopération qui ne pouvaient se dérouler à l’année 2020-21 : ce fut le cas pour le SNES Mauritanie.

Peu d’écoles ont rouvert en Mauritanie en 2020-21, et elles l’ont fait assez tardivement, ce qui a freiné le programme de visite. En revanche, le SNES Mauritanie s’est tourné vers l’amélioration de son site (http://snesm.org/spip.php) et, avec le retour à une situation sanitaire moins inquiétante, a lancé l’organisation de son congrès qui aura lieu du 30 septembre au 2 octobre 2021 à Nouakchott. Ce sont donc principalement ces deux aspects qui ont fait l’objet de la coopération syndicale.

Des conditions d’exercice difficiles

Notre partenaire de coopération utilise son site pour informer ses adhérents mais aussi pour dénoncer des conditions d’exercice difficiles, en utilisant souvent l’humour. C’est pourquoi nous reproduisons ci-dessous des extraits d’un texte paru sur le site du SNES Mauritanie et qui décrit les journées d’un enseignant mauritanien en temps de pandémie…

« Il est 9 heures passée et l’enseignant Kadal poursuit l’appel au collège 11 de Nouakchott, entrecoupé des chuchotements de la peuplade de « bleus » de première année à laquelle il fait face, et dont plus de 70% lui sont parvenus, repêchés avec une moyenne de 40/100. Entrecoupé aussi par les rafales de vent chargé de poussières, traversant la salle, de portes à fenêtres, sans battants ni vantaux. Entrecoupé surtout de pensées intérieures lui rappelant les requêtes familiales du jour : l’ordonnance de madame, la facture d’électricité, les dettes du boutiquier du coin, impayées depuis bientôt deux mois, la facture du mois passé de l’école privée des enfants …… Lui rappelant également son maigre salaire retenu par erreur depuis cinq ans, ses avancements d’échelons bloqués illégalement
Quelqu’un pour chercher un chiffon et de la craie ? ordonne-t-il, mezza-voce.
Moi ! moi ! moi ! tonnent-ils en chorale.
Quelques minutes plus tard, l’envoyé choisi par la mission revient un morceau d’éponge sale en main se plaignant de ne pas avoir trouvé de l’eau pour le décrasser.
A 9h50, la récréation s’annonce à coups de galet sur le flanc d’une vieille jante de 2 CV, suspendue au milieu de la cour. Il sort précipitamment de la classe, se dirige vers le bureau du directeur où il s’affale, brisé, sur un vieux banc de bois.
Avez-vous entendu la dernière nouvelle ?, annonce un autre collègue qui venait de faire irruption dans le petit bureau : il paraît que les autorités s’apprêtent à fermer les écoles à cause de Covid 19.

C’était le 14 mars 2020 et les autorités avaient alors décidé de fermer les écoles…
Pour une semaine d’abord, puis jusqu’au 5 avril, puis jusqu’au 30 avril, puis jusqu’au 25 mai, jusqu’au 1er septembre, …..
Pour Kadal, cette fermeture des écoles le mettait sur la paille. Il vivait essentiellement des vacations que lui payaient les écoles privées. Ces dernières allaient renvoyer tout leur personnel. Sans façon.
C’est une catastrophe s’écria-t-il. Comment pourrais-je assurer la pitance journalière ? Et l’eau ? Et l’électricité ? Et le loyer ? Et l’éducation des enfants ? Et ….
Le maigre salaire de la fonction publique ne pouvait couvrir plus de 25% de ses dépenses.
Pour comble d’infortune, à la fermeture des écoles venait se joindre celle des routes et des frontières entre les différentes régions du pays. Bloqué à Nouakchott, privé des ressources provenant des écoles privés, il se retrouvait dans le dénuement quasi-total, avec comme seul revenu le maigre salaire de la fonction publique.
Loin de la grande famille, en province, où il avait l’habitude d’emmener sa femme et ses neuf enfants pendant les vacances d’été. Là-bas, au moins, il ne payait pas le loyer et la vie était moins chère. Il trouvait aussi à s’occuper : puiser l’eau pour la palmeraie, aider à gérer le bétail familial, scruter le ciel en quête de nuages pluvieux dans l’espoir de donner main forte aux travaux des champs…..
Il se mit à fouiller dans son smartphone se rappelant avoir téléchargé un document intitulé « Plan de riposte de l’éducation en réponse à la pandémie du COVID 19 » : il se mit à le lire : « activation de la télévision et de la radio scolaires ; production de contenus numériques ; création de plateformes de formation à distance sous multiples supports »… Une liste de mesures alignées par le ministère de l’éducation dans un document qu’il ferma aussitôt, sans grand espoir, en pensant au milieu rural où il n’y a ni télévision ni internet, à cause de l’absence d’électricité, et aux villes aux coupures intempestives de l’internet et du courant électrique.

Après six mois de confinement, retour à l’école. Son regard se pose alors sur une caisse qui gît au pied de la petite table du bureau du directeur. Des manuels scolaires, souhaite-t-il. La voix rude du directeur le tire de son illusion : cette caisse contient des masques et de l’eau de Javel. Malgré son volume, elle ne contient qu’une petite quantité de masques et deux bouteilles d’eau de Javel.
Au premier jour de la reprise, toute la gent masculine du collège a droit à un masque. Pas les filles. A la question pourquoi ? posée par l’un des collègues, le directeur répond que leurs voiles et foulards peuvent servir de masques.
Cette réouverture des classes ne dura que deux petites semaines. Juste le temps d’organiser des compositions hâtives et clôturer l’année scolaire. »

La lecture de ce texte permet d’aborder toutes les difficultés dénoncées par le syndicat mauritanien : sous-équipement des établissements scolaires, salaires extrêmement médiocres du public qui contraignent les enseignants à compléter par un poste dans le privé et ainsi à effectuer une « double journée », enseignement à distance inopérant, inégalités filles/garçons, mascarade de la réouverture des écoles pour quinze jours après six mois de fermeture en 2020… En 2021-22, le SNES-FSU espère poursuivre une coopération syndicale avec le SNES Mauritanie.

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