Votre appel au peuple bélarusse est très engagé, comment l’opinion publique bélarusse l’a-t-il accueilli?
Il m’est difficile de juger de la réaction du public biélorusse à ma déclaration. La raison en est le régime totalitaire : il est impossible de mesurer la réaction du public à un événement particulier. Je peux seulement dire que la déclaration a intéressé les utilisateurs des réseaux sociaux, en particulier Facebook, et ceux qui lisent notre site web bkdp.org.
A quel point est-il dangereux pour vous et pour les autres militants du BKDP de publier une telle déclaration?
Publier de telles déclarations est très risqué, c’est comme marcher au bord d’un précipice. Pour moi et pour mes collègues, de telles démarches représentent un réel danger. Nous avons des militants qui sont en prison, ou sous contrôle judiciaire, pour avoir manifesté contre la guerre. Le pays connaît depuis longtemps la terreur, une violence et une répression ininterrompues à l’encontre des dissidents. Avec le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine, la dictature biélorusse, qui a pris le parti de l’agression, a encore renforcé la répression dans le pays. Il suffit de dire qu’il y a aujourd’hui plus de 1 100 prisonniers politiques dans le pays, y compris des militants de syndicats indépendants.
Quel est le poids de votre syndicat? Combien d’adhérents compte votre organisation?
La très grande majorité des travailleurs du pays, soit plus de 4 millions, sont membres de la Fédération des syndicats du Belarus, totalement contrôlée par l’État et soumise au régime. Le Congrès biélorusse des syndicats démocratiques (BKDP), qui regroupe quatre syndicats sectoriels indépendants, compte environ 10 000 membres. Nous devons mener nos activités dans des conditions de répression et de discrimination permanentes de la part du régime. Cette pression ne fait que s’intensifier ces dernières années. Les membres des syndicats indépendants sont contraints de quitter leur organisation syndicale sous la menace d’un non-renouvellement de leur contrat de travail et de licenciement car la quasi-totalité de nos travailleurs sont sous contrat de travail à durée déterminée. Rester dans les syndicats indépendants demande un courage particulier de la part des travailleurs. C’est leur engagement et leur choix civique en faveur de la liberté, de la démocratie et de la préservation de la dignité humaine.
Dans quels secteurs êtes-vous les plus influents?
Nous sommes surtout représentés dans les secteurs majeurs et stratégiques de l’économie du pays : entreprises chimiques produisant de la potasse et des engrais azotés, dans les raffineries de pétrole. Nos organisations sont également présentes dans les secteurs de l’automobile et de la fabrication de tracteurs, de la métallurgie, de la construction, de l’énergie, de l’éducation, de la santé.
La population du Bélarus a-t-elle accès à des médias indépendants?
Au cours des deux dernières années, les médias indépendants ont été presque entièrement liquidés par le régime. Des dizaines de journalistes sont en prison, beaucoup de leurs collègues ont été contraints de partir en Pologne, en Lituanie, en Ukraine, en Géorgie afin d’éviter les représailles.
Votre site internet a-t-il été piraté ou interdit par le gouvernement?
Notre site bkdp.org fonctionne toujours. Et notre organisation est la seule organisation publique démocratique qui n’a pas encore été liquidée. L’explication est simple : le régime en place est contraint de nous tolérer pour l’instant, par crainte d’une réaction de l’Organisation internationale du travail (OIT) et du mouvement syndical international en cas de représailles à notre encontre.
En 2007, le Belarus a connu la suspension des accords commerciaux signés avec de l’UE pour avoir violé les droits des travailleurs et des syndicats. Aujourd’hui, la sanction la plus sévère de l’OIT contre le Belarus – l’application du paragraphe 33 de la Constitution de l’OIT – devient une réalité. En 102 ans d’histoire de l’OIT, ce paragraphe n’a été utilisé qu’une seule fois, en 2011, contre la junte militaire au pouvoir au Myanmar et a conduit au blocus économique du Myanmar par les principaux pays du monde. Le Belarus pourrait bien revivre le chemin honteux du Myanmar. Tout cela a fait monter très haut le coût de la destruction de notre économie causée par le régime. Mais cela ne garantit pas notre survie.
Note: article 33 de la constitution de l’OIT: Si un Membre quelconque ne se conforme pas dans le délai prescrit aux recommandations éventuellement contenues soit dans le rapport de la Commission d’enquête, soit dans la décision de la Cour internationale de Justice, selon le cas, le Conseil d’administration pourra recommander à la Conférence telle mesure qui lui paraîtra opportune pour assurer l’exécution de ces recommandations.
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