L’impact de la guerre d’Ukraine en Afrique francophone
La guerre semble plus ou moins longuement traitée par les médias africains mais elle continue de faire débat. Pour Joseph Ahrin, du SYNAPROLIC (Bénin), « la guerre en Ukraine n’est pas un événement très présent dans les médias du Bénin ». Au Sénégal, au contraire, Issa Faye, de l’UDEN, affirme que la guerre d’Ukraine apparaît « à longueur de journaux télévisés ; à la radio ou dans les quotidiens, on en parle aussi. Dernièrement un journal du nom de Sud quotidien a fait un dossier sur la question ».
La Guerre « intéresse beaucoup les enseignants surtout ceux qui enseignent l’histoire et la géographie. Elle est par moment sujet de débat lors des rencontres entre collègues » au Bénin. Même intérêt au Sénégal : l’Ukraine est un sujet de discussion entre enseignants, « comme tout sujet d’actualité » souligne Issa Faye .
Les collègues béninois ne notent pas une présence russe dans leur pays mais citent le Mali comme exemple d’influence russe grandissante. Au Sénégal, la Russie n’est « militairement pas du tout présente, mais dans un pays frontalier avec le nôtre, comme le Mali, elle l’est. Et économiquement, un peu ». La Russie n’est, de fait, pas perçue comme une puissance expansionniste dans la région.
En revanche, les répercussions de la crise ukrainienne font l’objet d’inquiétudes : « nous craignons des conséquences parce que cette belligérance peut avoir un impact sur le prix du pétrole et avoir un effet domino. Du reste cette zone [ Russie, Ukraine] est grosse productrice de blé et donc conditionne l’accès à la farine et au pain. Enfin, le fer de construction aussi est concerné… Il ne manque pas de collègues pour craindre que le renchérissement des prix qu’ induirait cette guerre n’offre des prétextes au gouvernement pour ne pas respecter les récents accords portant correction des iniquités salariales dans la Fonction publique » s’inquiète Issa Faye.
Une Europe du « deux poids deux mesures » ?
La guerre conforte les syndicalistes africains dans une certaine défiance à l’encontre de l’Europe. Le rapatriement des réfugiés africains d’Ukraine est en cours. « la presse a fait cas de compatriotes étudiants, footballeurs ou travailleurs qui ont cherché à sortir du territoire ukrainien pour se réfugier en Pologne, parfois en France même » remarque Issa Faye, de l’UDEN. Mais ceux-ci ont souvent été mal accueillis en Pologne ou dans d’autres pays frontaliers de l’Ukraine, et n’ont pas été dotés de la protection temporaire et de la liberté de circulation dans l’espace Schengen, contrairement aux citoyens ukrainiens. Ceci suscite plus d’amertume que d’indignation de la part de nos collègues africains : « cette situation s’explique par le fait que le racisme n’est pas puni à sa juste mesure » constate Joseph Ahrin, du SYNAPROLIC (Bénin). Issa Faye est encore plus sévère à l’encontre des pays européens : « en vérité il se développe de plus en plus une hostilité sans fard contre l’immigration, notamment d’origine africaine, un peu partout en Europe. Ce n’est pas pour rien que cette question est devenue un thème de campagne de la part des politiques, dans certains pays. La crise aidant, certains n’hésitent pas à penser que les immigrés viennent leur ôter le pain de la bouche alors que l’emploi est précaire dans beaucoup de pays d’Europe » déclare-t-il.
Le rôle des pays européens en Afrique, et particulièrement de la France, est questionné : « la guerre en Ukraine a montré le vrai visage de la coopération entre l’Europe et l’Afrique. Il n’y a jamais eu de réactions aussi promptes en ce qui concerne les problèmes voir les situations de guerre en Afrique » que l’Europe n’en a eu pour l’Ukraine, regrette Joseph Ahrin. « Bien au contraire [de ce qu’ils disent faire en Ukraine], les Européens alimentent les situations de guerre en Afrique selon leurs intérêts et au mépris des droits de l’homme. Cette différence de situation doit montrer aux Africains qu’il est temps de revoir les accords de coopération pour une franche collaboration dans laquelle les populations seraient gagnantes » ajoute-t-il. Une opinion que ne partage pas tout à fait son collègue sénégalais : « dire que les Européens accordent trop d’importance à la guerre en Ukraine et pas assez aux problèmes de l’Afrique ne nous paraît pas pertinent. En vérité d’ici nous croyons noter plutôt un isolement de l’Ukraine et beaucoup de tergiversations européennes [pour aider l’Ukraine]. Le président ukrainien l’ a dit d’ailleurs ».
Mais les deux syndicalistes s’accordent sur le fait que «les problèmes des Africains ne peuvent être résolus que par les Africains. Toute aide extérieure ne doit être qu’un appoint motivé par la solidarité et non être présentée comme la principale solution aux problèmes des Africains. Quoi de plus normal que de balayer devant sa porte ? », comme l’affirme Issa Faye.
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