82 millions de personnes déplacées sur la terre
Selon le dernier rapport du HCR (consultable ici, en anglais : https://www.unhcr.org/flagship-reports/globaltrends/ ) le nombre de déplacés avoisine les 82 millions sur la planète, ce qui signifie que plus d’un habitant de la terre sur 100 est aujourd’hui déplacé. Ce chiffre était moitié moindre en 2010. Parmi eux, 48 millions sont des déplacés internes et 33 millions des réfugiés qui ont franchi une frontière dans leur déplacement. Parmi les déplacés internes, on compte plus d’un million d’Éthiopiens fuyant le Tigré ou la région afare, des populations du nord Mozambique ou du nord-Mali fuyant la guerre et le terrorisme que l’on a du mal à décompter, et en Afghanistan et au Yémen probablement presque deux millions de déplacés internes. Il s’agit là des crises les plus récentes.
En ce qui concerne ceux qui ont franchi une frontière, on compte actuellement presque 7 millions de Syriens (sur 21 millions d’habitants avant la guerre, soit le tiers de la population), 5 millions de Vénézuéliens, un peu moins de 3 millions d’Afghans, 2,3 millions de Sud-Soudanais, plus d’un million de réfugiés du Myanmar.
Parmi les 5 pays qui accueillent le plus de réfugiés, un seul est européen, l’Allemagne avec 1,5 millions . La Turquie est le pays au monde qui accueille le plus de réfugiés : 4 millions dont la quasi totalité sont syriens, puis viennent la Colombie (1,7 millions, essentiellement vénézuéliens), l’Allemagne, le Pakistan et l’Ouganda (1,4 millions chacun). Ces statistiques datent de la fin de l’année 2021. Actuellement la Pologne se situerait à la 2ème place mondiale pour l’accueil avec 2,1 millions de réfugiés en provenance d’Ukraine, arrivés en moins d’un mois.
Le point sur les réfugiés ukrainiens
Au moment de la parution de cet article, le HCR a dénombré plus de 3,6 millions de réfugiés ukrainiens et probablement 6 millions de déplacés internes. Soit une personne sur quatre habitant l’Ukraine avant le conflit qui a aujourd’hui quitté son domicile. La plupart des déplacés internes ont fui les régions orientales et centrales du pays pour se réfugier à l’ouest, dans des zones encore relativement épargnées par les attaques russes. Ainsi la ville de Lviv, à 80 km de la frontière polonaise a accueilli 200 000 déplacés, la ville comptait 700 000 habitants avant l’invasion russe. La Pologne a dû faire face à l’arrivée massive, en trois semaines, de plus de 2 millions de réfugiés. La Roumanie en a accueilli 550 000, la Moldavie 370 000, la Hongrie 325 000, la Russie 271 000, la Slovaquie 256 000. Mais, Russie exceptée, il est difficile d’estimer le nombre de réfugiés qui sont effectivement restés sur le sol de ces États car la protection consulaire qui leur est accordée s’étend à tout le territoire où s’appliquent les accords de Schengen et ils disposent de la liberté de circulation après leur entrée en Europe. Il est vraisemblable, d’après ce que nous rapportent nos contacts syndicaux sur place, que beaucoup de réfugiés entrés en Roumanie et en Hongrie en soient déjà partis, pour rejoindre l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou d’autres pays d’Europe occidentale.
Parmi les réfugiés ukrainiens, la moitié environ sont des enfants et des adolescents. D’où la nécessité de mettre très rapidement en place des structures adaptées de scolarisation. Notre partenaire syndical en Pologne, le ZNP, nous a déjà signalé les grandes difficultés à mettre en place rapidement la scolarisation des enfants réfugiés. Le HCR a attiré l’attention des pays d’accueil sur le sort des enfants non-accompagnés, envoyés par leurs parents rejoindre de la famille en Europe centrale ou occidentale.
D’autres réfugiés ou déplacés oubliés
Parmi les pays dévastés par une guerre civile et que leur population a fui, le Soudan du sud. Ce pays de 10 millions d’habitants, indépendant depuis 2011, a connu 7 années de guerre civile et 2,3 millions de personnes se sont réfugiées à l’étranger, principalement en RDC, en Éthiopie, en Ouganda et au Kenya.
A l’échelle de la France, ce chiffre équivaudrait à l’exode de 15 millions de réfugiés français, en proportion des populations respective des deux pays. De plus, comme l’indique le HCR, «deux réfugiés sud-soudanais sur trois sont âgés de moins de 18 ans ». Ce qui signifie que des structures de scolarisation sont nécessaires. Ces enfants et adolescents arrivent dans des pays pauvres, aux structures scolaires déjà défaillantes. De plus, les écoles ont été fermées pendant de longs mois en 2020 et 2021, en raison de la pandémie de covid. Enfin, le HCR indique que « des fonds sont nécessaires pour la protection de l’enfance, notamment pour garantir un enregistrement en bonne et due forme des naissances, ainsi que la réunification des familles ». Mais le HCR a beaucoup de mal à lever des fonds pour les réfugiés sud-soudanais : l’appel de fonds n’a été honoré qu’à hauteur de 21 %, réduisant ainsi fortement les capacités d’intervention de l’agence onusienne.
Les feux de l’actualité avaient braqué leurs projecteurs sur l’Afghanistan à la fin de l’été avec la prise de Kaboul par les Talibans. Le conflit avait déjà déplacé plus d’un million de personnes avant 2021, le HCR évalue à 670 000 le nombre de personnes ayant récemment fui leur ville ou village dévasté par les combats en 2021, puis la menace de famine en a conduits presque 100 000 à venir à Kaboul et dans ses environs. La plupart des enfants déplacés internes d’Afghanistan ne sont plus scolarisés : leur famille est si pauvre que leur travail est nécessaire. On compterait 4 millions d’enfants non scolarisés dans le pays pour cette raison, qu’ils soient filles ou garçons. L’UNICEF indique que l’extrême précarité financière des familles afghanes de déplacés favorise les mariages très précoces des filles. Beaucoup de familles ne rentreront pas chez elles car les maisons ont été détruites, les champs ne sont plus cultivables par endroits et la sécheresse qui dure depuis deux ans rend très difficile un retour à la vie rurale. La représentante du HCR en Afghanistan a prévenu de la très grande précarité alimentaire des familles de déplacés, évoquant des « situations extrêmes, voire des pertes en vie humaine » probables durant l’hiver 2021-2022.
Un autre pays connaît depuis 7 ans une guerre civile qui a entraîné le déplacement interne de 4,2 millions de personnes : le Yémen. Parmi les déplacés, 80 % de femmes et d’enfants. De plus, le pays accueille plus de 110 000 réfugiés de la corne de l’Afrique, principalement éthiopiens et somaliens, qui dénoncent de mauvais traitements de la part des autorités. Selon le HCR, « plus de 20 millions de Yéménites ont besoin d’une aide humanitaire » (sur 30 millions d’habitants), parmi lesquelles « les personnes ayant quitté leur foyer sont particulièrement exposées ». Le nord du pays, dans les régions de Ta’izz, Maarib et al-Hodayda, a connu de nombreux bombardements saoudiens et gouvernementaux car c’est là que se concentre la rébellion houthie, soutenue par l’Iran. Les enfants sont les plus touchés par la guerre : sous-alimentés, peu ou pas soignés, très peu scolarisés depuis des années.
Ici aussi, le HCR a bien du mal à réunir des fonds pour aider les déplacés internes au Yémen : pour le moment seuls 9 % des besoins définis par l’agence de l’ONU ont été financés. Une guerre rattrapant l’autre, il se trouve que le Yémen craint depuis quelques jours de faire face à une pénurie de blé, son principal fournisseur étant… l’Ukraine.
Ces trois exemples pris hors d’Europe ne reflètent que partiellement la situation: Vénézuéliens, Erythréens, Mozambicains, Rohingyas, Syriens, Iraquiens, Palestiniens, Sahraouis, Géorgiens, Arméniens, Tibétains et bien d’autres peuples connaissent les routes d’un exil forcé.
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