L’accueil des réfugiés par des volontaires au poste frontière de Siret
Des réfugiés toujours plus nombreux
Quand, dès les premiers jours de la guerre, des réfugiés ont afflué à Siret et Sighet, les Roumains ont ouvert leurs frontières et continuent de le faire. Plus de 120 000 réfugiés seraient déjà entrés en Roumanie.
«L’accueil des réfugiés se fait jour et nuit » témoigne Adrian Voica, de la FSLI. Pas seulement par voie terrestre, aux postes frontières de Siret et Sighet, mais aussi à présent par voie maritime, depuis que le sud de l’Ukraine est sous la menace de l’invasion : « dans le sud-est, à Isaccea, des ferries amènent des réfugiés 24h sur 24, en provenance de la région d’Odessa ».
Beaucoup d’Ukrainiens ou de personnes résidant en Ukraine évitent maintenant la frontière polonaise qui a déjà laissé passer plus de 800 000 réfugiés mais qui souffre d’encombrement et où l’attente est très longue. La frontière hongroise est elle aussi évitée car, selon Adrian Voica «Il est difficile d’aller en Hongrie car les agents des frontières hongrois exigent un passeport biométrique. Nos autorités ont contacté Budapest pour que la Hongrie renonce à cette pratique. Beaucoup d’enfants ukrainiens n’ont pas de passeport, ou pas de passeport biométrique ». « Ce sont des conditions absurdes imposées par la Hongrie aux réfugiés » s’indigne Adrian Voica. pourtant peu étonné car, selon lui, « Orban n’arrêtait pas avant la guerre d’évoquer dans les médias sa relation spéciale avec la Russie ». De plus, arrivent aussi des blessés de la guerre, surtout des civils, « les premiers blessés sont arrivés depuis le samedi 5 mars, ils sont soignés en Roumanie, dans les hôpitaux de Suceava et Iasi » explique-t-il.
Mais beaucoup de réfugiés ne souhaitent pas rester en Roumanie : « ils préfèrent aller vers l’Europe occidentale, ils ont souvent de la famille sur place qui travaille » ; beaucoup savent aussi que si le conflit dure, ce n’est pas en Roumanie qu’ils trouveront facilement du travail. Enfin, la Roumanie a accueilli des étudiants étrangers qui ont préféré quitter l’Ukraine :« les étudiants étrangers ont été nombreux à passer par la Roumanie pour fuir l’Ukraine », « de chez nous, ils sont rapatriés par vols spéciaux, vers l’Inde, la Tunisie, le Maroc ». Ainsi, ce sont sans doute déjà plus de 68 000 réfugiés qui ont quitté la Roumanie qui n’aura été pour eux qu’un lieu de transit. Et il faut aussi tenir compte de ces pères de famille ukrainiens qui, après avoir mis leur famille en sécurité, font le choix de traverser la frontière dans l’autre sens pour retourner combattre les troupes russes.
Une grande solidarité
La Roumanie et l’Ukraine ont connu des différends avant la guerre, portant sur l’enseignement en langue maternelle de la minorité roumaine d’Ukraine – environ 400 000 personnes -, un enseignement en roumain que le gouvernement de Kiev a refusé en 2020. Pourtant la population roumaine a fait fi de ces querelles passées et a immédiatement été solidaire de l’Ukraine attaquée par la Russie.
Des actions individuelles et collectives se sont rapidement organisées. Jusqu’au monde du football, qui a organisé, par le biais de dirigeants de clubs, le transit sur le sol roumain des joueurs étrangers du Dynamo de Kiev et du Shakhtar Donetsk (les deux plus grands clubs ukrainiens) dans les premiers jours de la guerre. Le stade de Iasi, dans le nord-est de la Roumanie, accueille aujourd’hui des réfugiés auxquels le club local a fait don de la recette de son dernier match. A Bucarest, le maire de la ville a aussi proposé le grand stade Arena pour héberger des réfugiés. Partout, des solutions d’hébergement sont improvisées : Adrian Voica l’explique :« les réfugiés sont hébergés dans des hôtels, des chambres d’hôtes, des auberges familiales » dans les régions touristiques du nord qui peuvent ainsi les accueillir grâce à ces infrastructures préexistantes. Quand elles n’existent pas, « des centres sont spécialement aménagés dans tout le pays ».
Les enseignants ne sont pas en reste, surtout dans les régions frontalières. La FSLI a immédiatement mis en œuvre des réseaux de solidarité : « des actions ont été organisées pour collecter des fonds, des aliments non périssables, des vêtements » indique le responsable des relations internationales.
Mais les conditions d’accueil des réfugiés sont difficiles. D’abord parce qu’ils sont nombreux et qu’il s’agit essentiellement des familles avec de jeunes enfants. Mais aussi en raison de conditions météorologiques difficiles : « malheureusement, en ce moment, nous sommes confrontés à un front d’air polaire froid » qui rend les températures nocturnes glaciales, déplore Adrian Voica.
La Moldavie voisine, nouveau terrain de guerre ?
Les enseignants roumains continuent de travailler normalement mais restent suspendus aux informations sur l’évolution du conflit. La Roumanie partage avec l’Ukraine et la Russie un vaste accès à la mer Noire : l’épisode de la prise de l’Ile aux Serpents par l’armée russe, au tout début de la guerre, a confirmé que le contrôle de la mer Noire était bien un objectif stratégique. Mais l’absence d’une véritable marine ukrainienne éloigne le risque de combats navals.
Le vrai sujet d’inquiétude est la Moldavie voisine. De langue roumaine mais non membre de l’Union Européenne ou de l’OTAN, elle semble menacée : « nous sommes très préoccupés par la situation en Moldavie » déclare Adrian Voica. C’est que la situation y est complexe. La Moldavie a connu un destin mouvementé. Ancienne république de l’URSS qui l’avait annexée en 1940 , elle avait été roumaine de 1918 à 1939 sous le nom de Moldavie orientale, mais faisait partie de l’empire des Tsars de 1812 à 1917 sous le nom de Bessarabie. Le changement de nom de sa capitale, Chisinau, autrefois Kichinev, et témoin de deux des plus terribles pogroms de la Russie des tsars en 1903 et 1905, montre toute la diversité de son histoire. Lorsque l’éclatement de l’URSS s’est achevé, la Moldavie a obtenu son indépendance et a renoncé à rejoindre la Roumanie avec laquelle elle partage la langue. La région de Tiraspol étant habitée principalement par des Russophones et appelée Transnistrie (se situant sur la rive gauche du Dniestr) a vu d’un mauvais œil l’indépendance du pays et a fait sécession dès 1992. La Transnistrie fait partie, avec le Donbass, l’Abkhazie et l’Ossétie du sud, des régions sécessionnistes pro-russes reconnues et soutenues par Moscou.
La Transnistrie n’est qu’une étroite bande de terre deux fois plus petite que l’Alsace, en superficie elle équivaudrait à un département français. Victime de l’effondrement de l’industrie soviétique, elle est aujourd’hui très pauvre et sous perfusion russe. Une partie de son activité économique est informelle, sous forme de marché noir et d’importations clandestines en provenance de l’UE.
« La Transnistrie a déclaré son indépendance » le 4 mars dernier s’inquiète Adrian Voica. Or, « la Moldavie a demandé l’adhésion à l’Union Européenne, cela créé une tension énorme entre Moldaves et Russophones de Transnistrie » ajoute-t-il. Car « la XIV ème armée russe est déjà présente sur le territoire de la Transnistrie ». Dans ce cas comment réagira la Moldavie quand, comme le pense notre interlocuteur roumain : « la Russie créera un corridor entre Odessa et la Transnistrie » ? Beaucoup de Roumains pensent que si la Moldavie basculait à son tour dans le conflit, la Roumanie ne pourrait plus s’abstenir d’intervenir.
Vous trouverez ici des informations sur les actions de coopération avec les syndicats d’autres pays, les analyses et réflexions du SNES-FSU sur l’actualité internationale, des comptes-rendu d’instances internationales dans lesquelles siège le SNES-FSU. Des remarques, des questions ?
Contactez nous : internat@snes.edu