Une occupation militaire dénoncée par l’ONU
Le Sahara occidental a été envahi en 1975 par l’armée marocaine lors de la célèbre « marche verte », manœuvre politique de la monarchie destinée à susciter une unité nationaliste pour mieux masquer ses défaillances démocratiques et économiques. Depuis lors, malgré les condamnations de l’ONU, peu nombreux sont qui se soucient des 155 000 réfugiés accueillis principalement en Algérie, dans la province de Tindouf ; dans les camps d’Aousserd Smarra ou Dakhla nommés d’après des villes du Sahara occidental occupé, ou dans l’étroite bande de terre encore sous le contrôle des Sahraouis, autour de Tifariti. Le gouvernement algérien continue d’apporter son soutien au Front Polisario, mouvement de résistance à l’invasion marocaine. De son côté le Maroc revendique sa souveraineté sur le territoire, mettant en avant son ancienne appartenance aux dynasties almoravides et almohades, tandis que la cour internationale de justice a rendu en 1975 un avis établissant qu’il n’y avait « aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part. »
Mais le Maroc a su habilement manœuvrer sur la scène internationale pour faire oublier la question, jusqu’aux accords entre les États-Unis et le Maroc, signés en décembre 2020, et qui, en échange de la reprise de relations diplomatiques et commerciales avec Israël, offraient au Maroc la reconnaissance unilatérale (et contraire au droit international) par les États-Unis de la frontière marocaine, sur un territoire incluant 80 % du Sahara occidental. Le président Trump s’était alors fait photographier tout sourire en arborant un grand panneau où s’affichait la « frontière » tant contestée. Le conseil de sécurité des Nations Unies a pourtant proclamé le droit à l’autodétermination du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole que Madrid a définitivement évacuée en 1976 et que le roi du Maroc a alors considéré comme faisant partie du territoire national.
Mais le Maroc vient d’essuyer le 29 septembre dernier un échec cinglant avec l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne qui annule deux accords commerciaux Maroc/UE au motif qu’ils ont « ignoré le consentement du peuple du Sahara occidental ». Certains pays membres de l’UE craignent que le Maroc utilise à nouveau l’argument migratoire, en laissant passer vers l’Espagne de nombreux migrants pour contraindre l’UE à faciliter les échanges commerciaux et à passer outre l’arrêt du Tribunal de l’UE. Or ce tribunal, dans la conformité du droit international considère le Sahara occidental comme une partie tierce à l’accord Maroc/UE. Le Maroc a bien tenté d’organiser des consultations sur le territoire sahraoui qu’il contrôle, avec toute la neutralité et les garanties de liberté de vote que l’on imagine… mais le tribunal de l’UE reconnaît au Front Polisario la légitimité de représenter une partie significative du peuple sahraoui et accède donc à sa demande d’annulation des deux accords dans la zone du Sahara occidental.
Les tensions demeurent fortes entre l’Algérie et le Maroc, surtout après l’attaque en 2020 de la zone de Guerguerat, considérée comme zone-tampon entre l’armée marocaine et le Front Polisario, dans l’extrême sud du territoire.
Un étrange front de la francophonie
Les Sahraouis ont parlé depuis des siècles un dialecte arabe occidental, le hassaniya, qui est aussi la langue de la majorité de la population mauritanienne, plus au sud, ou des langues berbères. Durant la colonisation espagnole, avec un protectorat reconnu par les puissances occidentales en 1884, le castillan s’est imposé dans les rares écoles mises en place par le colonisateur. Mais le retrait espagnol de 1976 et la protection du gouvernement algérien, ainsi que l’installation de nombreux camps de réfugiés sur le territoire algérien ou à proximité de la frontière algérienne, ont donné une impulsion nouvelle à l’enseignement du français.
Dans les camps sahraouis, malgré la grande pauvreté et le manque d’infrastructures, l’enseignement est considéré comme une base essentielle de la République sahraouie, il est dispensé gratuitement aux garçons comme aux filles, dans des classes mixtes. La langue de l’enseignement est le hassaniya, langue vernaculaire, dans les petites classes, puis l’arabe standard et le français sont introduits, afin de faciliter l’accès aux études supérieures dans le nord de l’Algérie ou en France, voire parfois dans des universités du Maroc. L’enseignement francophone a bénéficié de l’engagement fort d’une association française d’enseignants retraités, AGIRabcd, ainsi que de l’Association des Amis de la république Arabe Sahraouie Démocratique (AARASD), avec le soutien du ministère de l’éducation sahraoui. Des enseignants de français ont été formés sur place, parfois non sans mal car les populations vivant dans les campements sont mouvantes et aspirent souvent à en partir.
Il peut sembler étrange que la République sahraouie se tourne vers une langue qui a surtout servi les intérêts de la colonisation dans la région, mais c’est aussi par pragmatisme et souci de promotion sociale des jeunes par les études supérieures que ce choix a été fait. Mohamed Mahmoud, de l’ASPECF (Association sahraouie pour la promotion des échanges culturels dans l’espace francophone), le dit clairement : « notre association répond aux besoins d’une jeunesse impatiente de suivre en Algérie les filières scientifiques dans les établissements universitaires ou dans les écoles d’ingénieurs où c’est surtout la langue française qui est utilisée. Depuis de nombreuses années le français a pris plus d’importance dans les campements à la demande des familles car la majorité écrasante de leurs enfants poursuivent leurs études dans les établissements algériens ». Le français est d’ailleurs devenu obligatoire dans les épreuves du BEPEC (équivalent du brevet) alors que l’espagnol n’est plus qu’une option.
Alors que la pandémie de covid-19 suspendait tout échange « en présentiel » et empêchait le venue de formateurs bénévoles français, les échanges se sont poursuivis par visioconférences, à heure fixe chaque semaine, et des formations à distance ont pu être menées.
La situation des jeunes Sahraouis reste difficile et la résolution du conflit lointaine : ni les Nations Unies ni l’Union européenne ne souhaitent imposer véritablement au Maroc un référendum d’auto-détermination dont l’organisation serait complexe en l’absence de listes vérifiées d’électeurs et d’un état civil fiable. Quant aux jeunes Sahraouis sous occupation marocaine, ils accèdent difficilement aux études supérieures dans les universités du nord du Maroc et se disent victimes de discriminations.
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