Une première vague déjà très meurtrière
Manaus et l’État d’Amazonas avaient déjà subi une très difficile première vague en avril-mai 2020. Alors que le président Bolsonaro affichait son scepticisme quant à la gravité de la crise en rejetant masque et mesures barrières, répondait au nombre déjà élevé de morts dans tout le pays par le désormais célèbres « e dai ? » (« et alors ? »), la métropole amazonienne affrontait des taux de contamination élevés et la saturation de ses services de santé. La propagation du virus a été telle au printemps et durant le début de l’été que certains scientifiques évoquaient même le stade de l’immunité collective. Enfin, dans les quartiers les plus pauvres, faute de moyens financiers et d’information, les gestes barrières étaient peu respectés. Les morts étaient enterrés à la hâte dans de grandes fosses communes.
Le variant dit amazonien touche une population plus jeune
Ces scènes d’enterrement de moins de dix minutes en présence des seuls trois membres de la famille autorisés se répètent à présent qu’une deuxième vague encore plus meurtrière frappe la région, accentuée sans doute par la mutation locale du virus. Le premier séquençage effectué l’a été par un laboratoire japonais et a permis d’isoler un variant amazonien qui semble encore plus contagieux et dangereux que le virus originel.
Il est encore trop tôt pour en faire le bilan, mais l’infectiologue Silvia Leopoldina, qui travaille également dans les réseaux publics de l’État pense qu’ « il ne fait aucun doute que beaucoup plus de jeunes meurent. Nous ne parlons pas seulement d’un groupe à risque : il s’agit de toutes les tranches d’âge, qui touchent les bébés, les enfants, les adolescents, même sans comorbidité ».
Selon Davi Avelino Leal, professeur d’histoire à l’université d’Amazonas, : « il y a eu une augmentation des cas et des décès chez les jeunes dans l’État d’Amazonas » et « le nombre de patients âgés de 20 à 30 ans est également plus élevé que lors de la première vague ».
Un pouvoir incapable de faire face
Une centaine de personnes mourraient par jour actuellement dans la capitale amazonienne, dont une partie non officiellement recensée car décédée à domicile, sans examen post-mortem. La mortalité hors covid est elle aussi accentuée en raison de la pénurie de soins, les hôpitaux ne pouvant plus accueillir les patients qui en ont besoin. Les services de pompes funèbres sont totalement dépassés et il a fallu que la municipalité organise en catastrophe un service public qui vient chercher à domicile les corps des défunts.
Face à cet effondrement, les pouvoirs publics, que ce soit le pouvoir fédéral à Brasilia ou le pouvoir local du gouverneur (élu), ont tardé à réagir. La pénurie d’oxygène était prévisible dès fin décembre mais le ministre fédéral de la santé, alerté, n’a rien fait pour organiser des transferts en provenance d’autres régions du pays. Le confinement n’a été décidé que le 25 janvier alors qu’il aurait dû être mis en place fin décembre : mais le gouverneur de l’État d’Amazonas avait alors reculé devant la fronde des commerçants. La situation, moins documentée, est pire dans les petites villes amazoniennes sans structure médicale adaptée.
Selon Davi Avelino Leal, la classe politique nationale et locale porte toute la responsabilité de cet effondrement : « cela est dû au manque de planification sanitaire, allié à un certain négationnisme des vérités scientifiques du gouvernement fédéral, sur lequel s’est aligné le gouverneur de l’État . Cela a grandement contribué au chaos ». Il poursuit : « la science est niée, l’utilisation des masques refusée, les traitements sans efficacité démontrée sont encouragés : on a ainsi dépensé des millions pour l’achat d’un médicament dont on a prouvé qu’il était inefficace contre la covid-19. En Amazonie, nous payons des années de politique totalement inadéquate sur le plan sanitaire ».
Écoles, collèges, lycées et universités fermés
Ce chaos sanitaire s’accompagne d’un effondrement du système scolaire. Les universités ont fermé leurs portes et n’offrent que des cours en distanciel, pour les étudiants qui sont dotés d’un ordinateur et ont accès à internet. Beaucoup sont rentrés dans leur petite ville ou leur lointain village depuis le début de la vague épidémique et ont perdu tout espoir de poursuivre des études. « Tous les cours du second semestre 2020 se sont déroulés à distance » souligne Davi Avelino Leal. L’année universitaire s’est terminée ainsi car au Brésil, en grande partie situé dans l’hémisphère sud, l’année scolaire et universitaire correspond à l’année civile.
A la rentrée de janvier, le rebond épidémique a rendu impossible un retour à la normale : « dans les universités de l’État d’Amazonas, les activités en présentiel ont été suspendues, il n’y a plus qu’un enseignement à distance. Les examens se déroulent en ligne ».
Dans les lycées et collèges, l’enseignement en présentiel avait repris en août dernier, après une fermeture lors de la première vague, « mais avec l’aggravation de la situation, il a été décidé que les activités de l’année scolaire 2021 se dérouleront à distance ».
Les enseignants se trouvent dans une situation difficile nous dit Davi Avelino Leal : « plusieurs enseignants ont perdu la vie, beaucoup sont tombés malades du coronavirus, et les rapports faisant état d’un accroissement de l’anxiété, du stress et même de la dépression ne font qu’augmenter parmi les personnels de l’éducation ». Les enseignants du supérieur et du second degré restent cependant mobilisés et continuent de dénoncer avec leurs syndicats les coupes sombres réalisées depuis deux ans dans le domaine de l’éducation et la gestion catastrophique de la crise sanitaire.
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